Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/124

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losophe s’est avisé de vouloir se rendre compte de ce qui paraît si simple en n’y réfléchissant pas, nous voulons dire de la manière dont une étendue se compose d’autres étendues, et dont le parcours d’un mobile se compose d’autres parcours moindres, ce fut pour confirmer la doctrine éléatique et démontrer l’impossibilité du mouvement. En reconnaissant que la recherche de la plus petite partie d’une distance entre deux points, ou celle du plus petit changement de lieu d’un mobile, était pour l’esprit un problème insoluble, fallait-il donc que Zénon conclut que le mouvement est une apparence illusoire ? Ne pouvait-il se dire que la nature de la conception, dans ce qui regarde ces phénomènes, consiste dans la pensée d’une suite interminable de divisions de l’objet (ou de multiplications, à les prendre en sens inverse), tandis que le sujet a sa propre manière d’être, qui correspond à notre perception, à nos sensations, mais non pas à l’indéfinité de nos idées de l’étendue et des nombres. Il restait après cela un problème, mais qui dans tous les cas se pose : celui de la nature de la matière.

Plutôt que d’abandonner le point de vue de la croyance irréfléchie commune en l’existence d’une matière des corps possédant subjectivement les qualités sensibles dont l’imagination prolonge l’application possible à travers leurs parties indéfiniment diminuées, le grand dialecticien d’Élée nia la réalité des rapports perçus de l’ordre mécanique, c’est-à-dire la perception elle-même, ou sa loi selon l’ordre de la nature, et soutint que le phénomène est illusoire. Nul philosophe n’ayant songé, pendant plus de deux mille ans après cette époque, à résoudre la difficulté de la première de ces deux manières ; mais tous ayant été même en