Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/149

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cause unique à la production du monde, à celle des dieux et des hommes, sans supposer aucun rapport de ceux-ci à ceux-là, enfin relâcher l’action même de la cause, de façon à ce qu’elle n’amenât jamais que des faits de hasard, avec lesquels le philosophe s’arrangerait de son mieux. La théorie d’Épicure demandait cet effet de déliement au clinamen des atomes, emportés tous, il est vrai, dans la direction de la pesanteur, mais toujours, susceptibles de s’en écarter un peu sans raison, de côté ou d’autre.

Cette ingénieuse application de la thèse aristotélique de l’accident payait le grand avantage de rompre à tous moments la chaîne des choses, par l’inconvénient de dépouiller l’atomisme de la partie scientifique qui faisait le mérite de la mécanique de Démocrite ; et, au reste, la cosmologie épicurienne tout entière se mettait en opposition avec l’esprit de la science déjà constituée et avec les observations astronomiques. Enfin il n’y avait aucun rapport qu’on pût apercevoir entre le clinamen fortuit, sans ordre et sans but, des particules, et le don qu’aurait l’âme, qui en est composée, de s’imprimer à elle-même un mouvement ou un autre mouvement.

La doctrine de la liberté perdait ainsi l’établissement philosophique sérieux qu’elle avait dû un moment à Aristote. Inversement, la doctrine de l’enchaînement invariable des phénomènes arrivait au même moment, dans le stoïcisme, à une définition exacte, et prenait une grande importance par son alliance avec l’idée de l’évolution cosmique et de sa direction providentielle. La loi générale de finalité, qu’Aristote avait conçue en la rapportant à un mouvement de la nature dont le point de départ serait dans la matière, ou puissance, et le