Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/231

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plus définies de ce qu’ils entendaient par une intelligence que la matière limite. Au point de vue d’un penseur de notre temps cette expression, en son réalisme universel, signifiera toujours la négation de la conscience individuelle, en principe.

Il est une autre manière encore, plus proprement psychologique, de bannir de la théorie des phénomènes mentaux la loi de conscience et les lois générales qui constituent les fonctions psychiques : c’est celle où l’on considère, dans la pensée, non pas des fonctions définies, des concepts et des jugements dont dépendent des actes, le tout rapporté à une conscience ; non pas davantage une puissance universelle d’intellect appropriable aux individus, ou enfin des éléments atomiques de chaque sorte d’idées ou de sentiments dont se composent les esprits, mais le courant mental empirique où la pensée se peut observer, complexe et continuellement variable, par l’effet d’associations de modalités et affections de toutes sortes. On envisage, en cette théorie, « un courant, une succession d’états, ou de vagues, ou de champs, ou, comme on voudra les nommer, de connaissance, de sentiment, de désir, de délibération, etc., qui passent et repassent continuellement, et qui constituent notre vie intérieure ». Aux bordures de ces champs, ou, suivant une autre figure, autour du noyau formé par le plus accusé de ces états, d’autres objets, des images, des souvenirs, etc., sont prêts à s’avancer. Selon que l’attention se porte de côté ou d’autre, les champs de pensée vont se dissolvant les uns dans les autres, plus ou moins rapidement, brusquement quelquefois, par saillies, soit du dedans, soit du dehors du foyer principal. Tout ce que nous savons, après cette analyse du discours intérieur, c’est que, « en grande