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XXIX

La dualité des substances. Descartes. — Nous venons de voir le concept réaliste de la substance, réduit à la fiction d’une puissance indéterminée que les idées, les formes, ou enfin certaines qualités, investies par d’autres imaginations réalistes des vertus signifiées par leurs noms, font passer à l’acte dans le monde. Cette abstraction n’a cessé d’être employée à la représentation d’un fondement imaginaire des phénomènes depuis le moment où les théories matérialistes, stoïciennes ou épicuriennes, ont été condamnées par l’avènement d’une philosophie religieuse, platonicienne ou chrétienne. Mais alors il n’y avait plus de physique. Les philosophes du moyen âge étaient encore plus incapables que ne l’avaient été les anciens transformistes et les atomistes, à raison de leur éloignement de l’art de l’expérience, d’expliquer par la doctrine de la Substance la formation et les propriétés des substances. La physique, en tant qu’étude des lois du mouvement, ne date que de la fin du xvie siècle, et l’alchimie ne devint que plus tard encore une science de la composition et des états des corps, et des propriétés de leurs éléments. La philosophie de la Renaissance n’avait pas fait un pas sur celle des anciens pour la découverte d’un rapport entre les phénomènes de la matière inorganique et ceux de la sensibilité et de l’intelligence, mais elle était loin de renoncer à les unir. Le réalisme substantialiste ne pouvait donc trouver cette détermination positive et cette application à la nature que les anciens avaient cherchées vainement, et à laquelle la scolastique avait