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Mes Inscripcions.

déjà les atteintes de la maladie cruelle qui me mit, quinze ou vingt jours après, à deux doigts du tombeau, je sentis, en ce jour seul, le poids de toutes les peines de ma vie.

On me dira : « De quoi vous servent vos dates, si elles rassemblent sur vous les peines passées et présentes ?… » C’est une âme insensible qui me fait cette question : ma douleur présente, ce jour-là, fut allégée par le ressouvenir des autres jours de la purificacion, dans les années précédentes, et la preuve, c’est que je m’attendris sur moi-même, je pleurai.

5. Je ne retrouve point de date existante, avant le 3 mars ; les intermédiaires, sur le rebord de pierre, sont effacées ; mais celle du trois mars étant sur le trumeau, au côté occidental du premier jardin, en venant du Pont-rouge, à deux pieds de l’année 1780, seconde inscripcion, elle subsiste encore : j’y rens compte de mon mal de poitrine avec ce vif sentiment d’un homme qui désire de revoir pareille époque l’année suivante.

6. Ce sentiment est plus fortement et plus clairement exprimé à une date du 3 avril suivant, gravée sur la grande pierre à balcon qui est couchée près la rue Guillaume[1]. Elle est ainsi conçue : 3 aprilis 80. Videbo 1782. C’est que, plus j’avançais, plus je sentais que mes dates seraient, un jour, intéressantes pour moi, au point qu’elles me donneraient les jouissances les plus délicieuses. En effet, je revis cette date avec un attendrissement inex-

  1. Entre le quai d’Orléans et la rue Saint-Louis. Elle s’appelle rue Budé, depuis 1867.