Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/164

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que je fus charmé d’être tranquille. Sara me troublait quelquefois. Je passai la journée aussi bien que j’en eusse passé depuis longtemps ; je me proposais même de bouder Sara, quand il se fit tard, parce qu’elle n’avait pas mis un billet sous ma porte, avant que de partir, comme c’était son usage. A neuf heures, je sentis un trouble secret ; à dix, je n’y pus tenir.

Je sortis pour aler sur le quai des Miramiones[1]. Je regardais dans toutes les voitures de place : rien.

Un serrement de cœur me prend, lorsque je suis de retour à la maison, et que je n’y vois pas Sara. Il était onze heures. Je voulus manger ma crème de ris : il me fut impossible d’avaler. Je retournai sur le quai, et jusque sur l’Ile Saint-Louis ; j’écrivis[2], à côté du premier jardin, 30 mail, Sara cubat foras, me non monita. (30 mai, Sara couche dehors sans m’en avoir averti.)

Je revins à la maison : je passai une nuit cruelle, tout habillé sur mon lit. Je me rappelai ce que Sara m’avait dit tant de fois, que sa mère l’avait livrée à de Houves ; qu’elle s’était trouvée mal, etc. Je me la représentais, en cet instant, comme une victime innocente livrée au comte italien ; je m’écrirai : « O ma fille ! mon amie ! Où es-tu ? Ton papa, ton amant ne peut voler à ton secours, mais il

  1. Le quai des Miramiones, partie du quai de la Tournelle située entre la rue de Pontoise et la rue des Grands-Degrés.
  2. V. Monsieur Nicolas : « Je sortis pour aller faire un tour à l’île Saint Louis. J’écrivis sur la pierre mes tourments. » Inscription rapportée ici.