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Préface.

sent ; ensuite je me reporte vers le passé ; je jouis de ce qui est comme de ce qui n’est plus, et si mon âme est dans une disposition convenable (ce qui n’arrive pas toujours), je jette dans l’avenir une nouvelle pierre, que le fleuve du temps doit, en s’écoulant, laisser à sec à son tour… Voilà quelle est la raison de mes dates, toujours exactes dans mes cahiers, et de celles que je fais encore tous les jours. Mais, dans mes douze années de mort, à la fleur de mon âge, de 1755 à 1765-66, je ne datais rien, ou peu de chose. La variété de mes sentiments et de mes amours, leur force, que la variété n’affaiblissait pas, prouvent combien les romans les plus accrédités sont loin de la vraisemblance, avec leur suite bien raisonnée, qui ne se dément jamais !… »


Se « ménager des anniversaires », tel est donc le but constant de Restif. Ces anniversaires étaient ceux des événements importants de sa vie. Ainsi, le 14 juillet 1753, il se rappelle, en se levant, que, deux ans plus tôt, à pareil jour, il arrivait à Auxerre. Aussitôt, il ouvre son premier cahier et écrit, comme nous venons de le voir : « Il y a deux ans que j’arrivai ici en apprentissage. »

Mais écrire ne lui suffit pas, il sent le besoin de « célébrer sa commémoration », en revoyant les lieux par lesquels il était passé à son arrivée dans la ville ; il sort et parcourt les rues que son pied avait foulées le premier jour.

L’année suivante, il oublie jusqu’à midi de faire sa commémoration. Quel événement