Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/69

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parle au sergent de garde : « Hâ, dit-elle, c’est ce pauvre dateur que les enfans appelaient griffon, depuis qu’un vilain homme, petit et noir, le leur a fait remarquer. C’est un bon homme. Je me suis complue à le suivre pour lire ce qu’il écrivait. Cela était fort innocent… »

On relâche Restif, et sa libératrice se promettait de le revoir, mais il la détrompe par cette apostrophe en style pathétique : « Je n’y reviendrai plus, mademoiselle. Je chérissais mon île, mais la voilà profanée. Hélas ! elle l’était déjà. Un scélérat y a fait arrêter ma fille, malheureusement sa femme. Je ne pouvais le pardonner à ma chère île. Cependant, je l’aimais si tendrement que je n’ai pu la quitter, mais, aujourd’hui, je la renonce. Elle me fesait insulter par ses enfans ; je le lui pardonnais, parce que ses enfans n’étaient pas encore devenus cruels. Aujourd’hui qu’ils le sont devenus, ils la profaneraient en me pendant à l’un de ces réverbères sacrés qui m’ont si souvent éclairé dans le silence et l’obscurité de la nuit. (Me retournant et baisant la dernière pierre du pont de la Tournelle :) Hà ! ma chère île ! ma chère île, où j’ai versé tant de larmes délicieuses ! Adieu te dis, adieu pour jamais ! Tous les Français seront libres, excepté moi. Je suis banni de mon île ! Je n’aurai plus la liberté de m’y promener, et le dernier charme de ma vie est pour jamais détruit. »

« Je m’étais arrêté. La jeune personne était attendrie : « Vous y reviendrez pour nous », me dit-elle. « — Non, non ! le scélérat qui traîna ma fa-