Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/98

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passés, comme l’onde qui fuit, pressée par celle qui la suit, toujours différente en paraissant toujours la même. Ainsi coulent les moments de la vie : le moment qui s’échappe est passé pour jamais, et le temps semble toujours le même. Le fleuve d’hommes qui s’écoule paraît toujours composé de vieillards, d’hommes faits, de jeunesse et d’enfants ; on voit les mêmes folies, les mêmes crimes, les mêmes vertus rarement semés. Un spectateur isolé, éternel, croirait les hommes immortels comme lui, et ils n’ont été qu’un instant ! Ils n’ont eu qu’un instant de vie, souvent de malheur, et disparaissent pour jamais dans le gouffre de l’éternité, comme l’eau d’un fleuve dans l’abîme des mers[1] ! »

Il aimait la prose cadencée, qu’il mettait quelquefois en musique[2].

Sa fidélité au souvenir de Jeannette Rousseau ne l’empêcha point d’appliquer son principe que « l’amour est l’affaire la plus importante de l’homme, après le travail qui lui procure la subsistance[3] ». Sa manière de procéder le rendait, dit-il, irrésistible. Jamais femme sérieusement attaquée n’eût manqué de capituler, et il en donne la recette à qui veut l’employer. Elle doit réussir à tout le monde, à condition d’avoir du ressort et de la sensibilité : il s’agit d’entourer d’égards et de respect l’objet de ses vœux, lui inspirer confiance, lui témoigner de l’adoration en termes

  1. Monsieur Nicolas, t. V, p. 243.
  2. V. la note 1 de la page 45.
  3. Mes Inscriptions, § 193, p. 64.