Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

320 ANTHOLOGIE DE LA LITTERATURE JAPONAISE hygiène, éducation, botanique, voyages... Chose assez rare ches les érudits, il n’avait aucun pédantisme : ce sinologue illustre, peut-être le premier de son temps, écrivit en caractères pho- nétique», pour être compris de tous. Mais cette simplicité eut sa récompense, la meilleure qu’il pût espérer : il n’est pas de moraliste qui ait eu, au Japon, une plus profonde et plus loin- taine influence. Un passage de son Rakkoun, « Philosophie du plaisir », mon- trera bien le caractère de l’homme. PLAISIR DE LA NATURE Si l’on s’attache surtout aux plaisirs intérieurs, et si l'on fait de ses oreilles et de ses yeux l’intermédiaire qui procure les plaisirs extérieurs, on reçoit un plaisir immense de la beauté des paysages et des dix mille choses qui se trouvent entre le ciel et la terre. Cette sorte de plaisir enchante nos yeux de toutes manières, matin et soir. Ceux qui aiment à regarder ces choses deviennent maîtres de la montagne, des eaux, de la lune et des fleurs. Ils ne sont pas obligés de flatter les autres, ni de dépen- ser un sou pour acheter ces jouissances. Bien qu’on les goûte comme on veut, elles ne s’épuisent jamais. On en peut profiter comme de sa propriété : mais personne ne nous les dispute ; car les beaux paysages, la montagne, les eaux, le vent et la lune, n’ont point de propriétaire déterminé. Ceux qui se réjouissent ainsi, connaissant les plaisirs infinis qui existent entre le ciel et la terre, ne sont pas envieux du luxe et des divertissements des hom- mes riches, parce que ces plaisirs sont supérieurs à ceux de l’opulence et des honneurs. Ceux qui ne les compren- nent pas ne sont pas heureux, parce qu’ils ignorent les voluptés qui se trouvent en abondance devant leurs yeux. Les plaisirs vulgaires du monde, avant même qu’ils soient entièrement finis, se transforment en souffrances. Par exemple, si on mange et boit à satiété des choses délicieuses, c’est agréable au premier abord, mais cela cause ensuite des maladies qui tourmentent. Les plaisirs vulgaires troublent le cœur, détériorent le corps et ren- dent l’homme misérable. Les plaisirs des sages nourris- sent leur cœur sans l’égarer. Pour parler des choses exté- rieures, on admire, par exemple, la lune étales fleurs, on , y Google