Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

sommet des montagnes basses, dispersant violemment la fumée[1] des hautes montagnes et la fumée des montagnes basses, prêteront l’oreille.

Par cette audience, toute offense qui s’appelle offense disparaîtra, à la cour de l’auguste souverain Petit-fils[2] et dans les pays des quatre régions sous le ciel. Comme le vent du dieu à la Longue-haleine[3] disperse en soufflant les célestes nuages huit fois repliés ; comme le vent du matin et le vent du soir chassent l’épais brouillard du matin et l’épais brouillard du soir ; comme, à la rive d’un grand port, déliant à la proue et déliant à la poupe un grand vaisseau, on le pousse dans la grande plaine de la mer ; comme, avec la lame tranchante d’une faucille trempée au feu, on balaye les buissons de l’épais fourré là-bas : ainsi, il ne restera plus d’offenses[4].

Ces choses que je daigne purifier et que je daigne laver, la déesse appelée « Princesse de la descente du courant[5] », qui demeure dans les rapides du torrent qui tombe en écumant par les ravins, du sommet des hautes montagnes et du sommet des montagnes basses, les emportera à la grande plaine de la mer. Et lorsqu’elle les aura ainsi emportées, la déesse appelée « Femme de la rapide ouverture[6] », qui demeure dans les huit cents rencontres marines des huit chemins marins, des huit cents chemins

  1. C’est-à-dire les nuages et les brouillards.
  2. Ici, l’expression change de sens et désigne l’empereur actuel.
  3. Shinato, dieu du Vent tranquille. Son souffle lent semble indéfiniment prolongé. La naissance mythique de ce dieu explique très bien le rôle qu'il joue ici. D’après le Nihonnghi (I, 15), le couple créateur venait d’engendrer les îles (voir plus bas, p. 38), quand Izanaghi s’aperçut que, sur tout l’archipel, il n’y avait que « les brouillards parfumés du matin » ; il les dispersa donc de son souffle, qui devint aussitôt une divinité nouvelle : « et c’est le dieu du Vent. »
  4. Cette belle phrase n’est pas, à mon avis, une simple série de métaphores, mais bien l’évocation d’assimilations diverses qui doivent produire un effet positif, en vertu du vieux principe de magie qui veut que le semblable attire le semblable.
  5. Séori-tsou-himé. On l’identifie avec Ya-so-maga-tsou-bi no kami, « la Prodigieuse divinité des quatre-vingts maux », née des souillures dont Izanaghi se lava à son retour au monde souterrain (voir plus bas, p ; 42).
  6. Hayaaki-tsou-mé. Elle personnifie le grand tourbillon (voir note suivante) dont la bouche monstrueuse engloutit les eaux, avec toutes les impuretés qu’elles peuvent contenir.