Page:Revue Moderne, vol.52, 1869.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
REVUE MODERNE

cache sous mon manteau, et que je vous tire ensuite du pan de ma robe pour vous offrir au Seigneur-Dieu ?

Les enfants lui répondirent :

Prends-nous, suis la grande route, et conduis-nous auprès de nos mères.

Et tous se mirent à crier avec orgueil :

Nous sommes Polonais ! conduis-nous dans notre patrie et vers nos mères.

Et le chaman pleurait en leur souriant.

Et il ne pouvait s’en aller, car une petite fille s’était endormie sur un pan de sa robe pendant qu’il parlait.

Et les Cosaques, en arrivant, regardèrent ce spectacle avec étonnement, et ils se mirent à chasser les enfants loin des deux étrangers, sans oser battre aucun d’eux, car ils se souvenaient du feu.


IV

LES MORTS


Et le chaman traversa avec Anhelli les déserts de la Sibérie, où étaient les prisons.

Et ils aperçurent les visages tristes et sombres de quelques prisonniers qui regardaient le ciel à travers les barreaux.

Et auprès d’une de ces prisons, ils rencontrèrent des hommes qui portaient des cercueils. Le chaman les arrêta et ordonna d’ouvrir les cercueils.

Or, quand on eut ôté le couvercle, Anhelli tressaillit en voyant que les morts étaient encore enchaînés et il dit :

Chaman, je crains que ces martyrs ne ressuscitent pas.

Réveille quelqu’un d’entre eux, car tu as le don des miracles : réveille ce vieillard à barbe blanche et à cheveux blancs, car il me semble que je l’ai connu vivant.

Et le chaman, le regardant d’un air sévère, dit :

Que demandes-tu donc ? Que je le ressuscite ? Et toi tu le tueras de nouveau. Oui, je le ressusciterai deux fois, et deux fois il recevra de toi la mort.

Mais qu’il soit fait selon ton désir, afin que tu apprennes que la mort nous préserve des douleurs qui allaient fondre sur nous, et qui nous ont trouvés morts.

À ces mots, le chaman regarda le vieillard qui était dans le cercueil et dit :