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Page:Revue Musicale de Lyon 1904-02-10.pdf/2

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revue musicale de lyon

tion intégrale de l’œuvre fut donnée aux Concert du Châtelet sous la direction de Colonne et produisit en son ensemble une si profonde sensation qu’elle fut immédiatement adoptée par la plupart des sociétés de concerts françaises, allemandes et hollandaises, au répertoire desquelles elle est restée.

Le Quatuor en Ré

Le premier mouvement de ce quatuor est très certainement la plus étonnante pièce symphonique qui ait été construite depuis les derniers quatuors de Beethoven. La forme, essentiellement nouvelle, consiste en deux morceaux de musique vivant chacun de leur vie propre et possédant chacun leur organisme complet qui se pénètrent mutuellement sans se confondre, grâce à une ordonnance absolument parfaite de leurs diverses parties.

Tous les compositeurs qui suivirent l’époque beethovienne s’en tinrent, quant à la forme, aux types déjà établis au xviiie siècle. Ni un Mendelssohn, ni un Schumann, ni un Brahms n’osèrent prendre le douzième ou le treizième quatuor de Beethoven pour point de départ, comme Richard Wagner basa tout son système symphonique sur l’impérissable Neuvième Symphonie. Il fallait être un architecte de sons aussi sûr de lui que l’était César Franck pour entreprendre une telle rénovation de formes, tout en conservant au morceau une coupe générale classique.

Au reste, le Quintette en fa mineur, la superbe Sonate de violon sont, comme le Quatuor, construits à l’aide d’un thème générateur qui devient la raison expressive du cycle musical, mais rien dans l’œuvre de Franck, pas plus que dans celle de ses prédécesseurs, n’égale en harmonieuse et audacieuse beauté ce type de musique de chambre unique aussi bien par la valeur et l’élévation des idées que par la perfection esthétique et la nouveauté de la forme.

Les trois derniers chorals pour orgue

Je passerai rapidement sur ces chefs-d’œuvre qui furent, comme je l’ai dit, la dernière émanation du génie de Franck et dont, atteint déjà par la pleurésie qui devait l’emporter, il fixa la régistration à son orgue de Sainte-Clotilde quelques jours avant de s’aliter pour ne plus se relever. Ces chorals sont écrits dans la forme de la Variation amplificative créée par Bach et reprise par Beethoven, mais deux d’entre eux au moins ont cela de particulier que le thème, à peine esquissé d’abord, se tait en même temps que se déroulent les variations et éclatent à la fin de la pièce en un triomphant avènement.

Je ne veux point, de peur d’abuser de la patience des lecteurs, parler des autres poèmes, Ruth, Rébecca, Psyché, des deux opéras Hulda et Ghisèle, des deux morceaux d’orchestre : Les Éolides et le Chasseur maudit, de la très belle Symphonie en , des compositions pour piano, avec des sons orchestrés, des neuf grandes pièces d’orgue, des mélodies et de la musique religieuse dont on trouvera la nomenclature chronologique à la fin de cette étude. Je passe donc au troisième aspect du maître, celui qui a trait à son enseignement.

(À suivre)

Vincent d’Indy.

Les Sonates de Beethoven

POUR PIANO ET VIOLON
(suite)

Les trois sonates suivantes les 6e, 7e et 8e constituent l’œuvre 30. Elles sont dédiées au tzar Alexandre Ier. Aucune récompense ne fut envoyée à Beethoven à l’occasion de ces sonates. Cet oubli ne fut réparé que 12 ans plus tard. En 1814, lors du Congrès de Vienne, Beethoven fit hommage à l’Impératrice de Russie de la