Page:Revue de Genève, tome 1, 1920.djvu/512

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quérante et victorieuse ne pouvait être suivie d’une amitié entre l’Allemagne et la France.

Or, en 1920, l’unité allemande survit à la défaite, à la chute des Hohenzollern et au traité de Versailles. Non seulement les Alliés l’ont respectée, mais encore ils l’ont consacrée de leur sceau, ils lui ont donnée la base juridique internationale qui lui manquait depuis 1871. Les constituants de Weimar se sont chargés du reste. Ils ont resserré l’unité nationale. L’empire de Guillaume II était, malgré tout, une fédération d’Etats. L’Empire républicain s’est centralisé et ne connaît que des « pays ». Or, cette Allemagne plus unie que celle d’hier, c’est encore par la guerre, malheureuse cette fois, qu’elle a réalisé sa fusion. Et ce nouveau déterminisme de la défaite pèse sur elle et sur l’avenir des relations franco-allemandes exactement comme le déterminisme de sa victoire après 1871.

A la tribune du Palais-Bourbon, pendant la discussion du traité de paix, nous avons entendu s’exprimer la pensée de Michelet, de Napoléon III et de Jaurès. On nous a dit que l’Allemagne, délivrée de ses Hohenzollern, convertie à la démocratie et au libéralisme, pouvait et devait être encore une grande Allemagne, que son unité était nécessaire. qu’elle serait bienfaisante et que cette Allemagne nouvelle. purifiée, amputée, pour son bien, de tout ce qui n’était pas allemand, vivrait en fraternité avec les peuples ses voisins. C’est la pure doctrine des nationalités, au regard de laquelle la nationalité allemande a autant de droits que les autres et doit, avec les autres et comme les autres, former la grande fédération humaine.

Après un sommeil de cinquante années, le principe îles nationalités, inscrit sur les étendards des Alliés, a été appliqué avec toute la rigueur dont étaient capables les réalités humaines et l’esprit théorique des principaux négociateurs. Mais, comme entre 1860 et 1870, le principe des nationalités n’a pu jouer sans subir les nécessités et la pression de la politique, de la guerre et de l’histoire. Comme alors, il s’est résolu par des contradictions. Il a laissé des déceptions et des rancunes. Cela est vrai de quelques-uns des pays alliés. A quel point ne l’est-ce pas plus encore de l’Allemagne ! On dirait qu’un sort est jeté sur l’unité