Page:Revue de Genève, tome 1, 1920.djvu/514

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frontières, auxquelles l’Allemagne se résignerait peut-être à l’ouest, ce serait miracle qu’elle consentît bien longtemps à les regarder comme définitives du côté de l’est. Là, ses conquêtes sur la Pologne lui ont été reprises et la Prusse, qui conserve ailleurs l’assiette territoriale que Bismarck lui avait donnée en 1866, est ramenée au point où elle se trouvait avant Frédéric II. Kœnigsberg, comme au XVIIIe siècle, est séparé de Berlin. C’est sur son flanc oriental que l’Allemagne a dû restituer le plus de ses biens mal acquis et c’est là qu’elle est encore la plus forte, ne face de pays jeunes et à peine formés, à l’endroit où les grandes nations occidentales n’ont pas sur elle de prise directe. La vieille Prusse est coupée en deux, comme au temps où l’Empire germanique était au régime de la Kleinstaaterei. Même alors, la Prusse n’avait eu de cesse que ses deux tronçons fussent réunis. Aujourd’hui, la Kleinstaaterei n’existe plus, et ce n’est plus seulement l’État prussien, c’est toute l’Allemagne, concentrée dans ses autres parties, qui aspirera naturellement à rétablir la soudure entre les deux Prusses. Par là un appel est lancé à l’avenir, aurait dit Frédéric. C’est, à notre sens, un des plus gros vices de la paix. Pour ressusciter la Pologne, il fallait tailler à même l’Allemagne. Mais, pour que la Pologne, et par conséquent tout l’édifice européen construit par la Conférence, fût en sécurité, il n’aurait pas fallu que l’opération fût tentée sur une nation allemande, ni sur un État allemand.

Il en est de même en ce qui concerne l’Autriche. La logique du principe des nationalités eût voulu que les provinces autrichiennes de langue allemande, les provinces autrichiennes proprement dites, fissent retour à la grande Germanie. N’étaient-elles pas représentées en 1848 au Parlement de Francfort ? La réunion n’était-elle pas inscrite au plus ancien programme du libéralisme allemand ? L’évolution particulière de l’Autriche, hors des cadres de l’Empire restauré en 1871, avait tenu à une question dynastique. La maison de Habsbourg étant tombée comme celle des Hohenzollern, l’Allemagne étant devenue une nationalité libre, la réunion, l’Anschluss ne trouvait plus d’obstacles politiques et s’imposait aux esprits. Cependant les Alliés