Page:Revue de Genève, tome 1, 1920.djvu/861

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ci avaient un sens ? Freud n’a fait qu’expliciter cette croyance confuse et quasi instinctive.

Du reste, la plupart des auteurs — même ceux qui n’ont rien de germanique — qui se sont occupés du rêve ont signalé en passant son caractère révélateur. Le Dr Tissié, dans son livre sur les rêves (1890) racontait déjà que le baron de Trenck, enfermé dans son cachot et pâtissant de la faim, voyait en rêve des tables bien servies. Un autre auteur, Alfred Maury (1878) avait remarqué que « dans le rêve, c’est surtout l’homme primitif qui se révèle ». Et Alphonse Daudet, qui n’est pas un Austro-allemand, je crois, a écrit : « le rêve est une soupape ». Ce qu’il y a de plus plaisant, c’est que ceux qui ont le plus maltraité Freud en viennent — sans s’en douter, faut-il croire — à s’approprier sa manière de voir. Yves Delage, par exemple, déclare que les rêves correspondent à des « velléités de la vie réelle », ayant « une signification intime » ; « le rêve, dit-il, tel un subtil Asmodée, soulève les couvercles des crânes, fouille dans le creux des circonvolutions cérébrales pour y trouver des pensées si secrètes que la méditation la plus approfondie ne les aurait pas découvertes. Ces pensées pourront rester cachées au rêveur sous leur déguisement… » Et le Dr Dide, — ça, c’est un comble ! — trois lignes après celles que nous venons de citer, où il répudiait la doctrine freudienne du rêve, déclare « que la trame des rêves est faite surtout de désirs et de craintes réalisés ou refoulés » !

L’analogie entre le rêve et le désir avait d’ailleurs dès longtemps été remarquée par la conscience populaire, qui a cristallisé dans le langage cette observation vieille comme l’humanité, en donnant le nom de « rêves » à nos plus ardents désirs.

5. La compensation de la réalité : Lorsque la vie réelle ne répond pas aux aspirations du moi, celui-ci produit toute une efflorescence de fantaisies destinées à servir de substitut, d’Ersatz, à ce que la vie terre à terre et concrète ne fournit pas. — Freud n’a pas découvert ce phénomène si souvent signalé ; mais il est le premier à l’avoir mis en vedette, à en avoir tiré pleinement parti, à montrer qu’il a dans la vie psychique une importance qu’on ne soupçon-