Page:Revue de Genève, tome 2, 1921.djvu/27

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hommes ne parviennent pas à le saisir. Il se demande, dans la ferveur de son amour, pourquoi il ne s’abaisserait pas, lui aussi, à l’exemple du Maître qu’il entend servir. Il rêve une forme d’action dans laquelle il déploiera le maximum d’énergie efficace et restera néanmoins ignoré de ceux parmi lesquels ou pour qui il travaillera. De là l’idée d’une société secrète, qui le sera non pas pour fournir à son adhérent les moyens de mener les hommes à leur insu, mais pour qu’il puisse, dans une impénétrable obscurité, reproduire l’humilité totale et l’activité triomphante du Sauveur.

M. Rébelliau a bien eu raison de soutenir que le mystère de la Compagnie du Saint-Sacrement n’a pas eu forcément pour cause soit on ne sait quel goût malsain des manœuvres policières et de l’intrigue clandestine, soit, dès les débuts de la Compagnie, la peu évangélique convoitise d’une domination universelle. Il a eu également raison de penser que, se croyant « formée par un coup de la divine Providence pour être un surveillant perpétuel à tout ce qui se passait et à tout ce qui pouvait contribuer à la gloire de Dieu » [1], elle ne pouvait remplir cette vocation auprès de la puissance civile et de la puissance ecclésiastique qu’en se cachant. Si elle avait entrepris publiquement la moindre de ses œuvres, elle eût soit blessé les ministres, les parlements, les municipalités, les baillis, sénéchaux et autres juges royaux, soit fait injure à la diligence pastorale des évêques indirectement accusés de ne pas faire tout leur devoir dans leurs diocèses. On ne lui aurait pas permis de s’occuper systématiquement de tout pour redresser les corps officiels qui s’égaraient, pour réveiller ceux qui s’endormaient, pour pousser à l’action ceux dont les projets, toujours remis sur le chantier, n’aboutissaient jamais. Non, on ne se représente pas comment aurait pu fonctionner, sous le régime de la monarchie, une sorte de ligue du bien public dont la tâche aurait été de morigéner les uns, d’exciter les autres, de coordonner les efforts de tous, c’est-à-dire, en somme, de les dominer et de les avoir dans sa surveillance. M. Rébelliau a raison de dire que son secret, en

  1. Annales, p. 189. Cf. p. 39 et 138.