Page:Revue de Paris, 1908, tome 3.djvu/138

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ces voûtes d’arbres, le long desquelles jadis elle laissait errer sa rêverie, Louise se disait :

« À présent, je ne désire plus que la fin de tout… »

Au matin, Félicité, la figure meurtrie par le chagrin et l’insomnie, vint auprès du lit où, dans les cauchemars et la fièvre, la jeune fille s’était débattue.

— Je m’en vais là-bas, — dit-elle ; — il faut faire face à l’orage, expliquer, se défendre. Toi, ma pauvre enfant, tâche d’être calme. Les pires ennuis n’ont qu’un temps, tout s’use, tout s’oublie. Mais le coup est dur…

Restée seule, Louise prit Fairy sur ses genoux. Ce petit être innocent, qui palpitait tout contre elle, c’était maintenant son unique joie. Et elle lui disait :

— Tu ne sais pas, toi, ce qui est arrivé, et ton amitié est la seule en qui je puisse m’abandonner sans souffrir.

Elle eut la visite d’Éliane. Hélas ! Poncelet, qui s’était occupé de l’affaire, lui aussi, n’avait rien obtenu. Ce misérable Silveira affirmait que Louise s’était prêtée à poser l’ensemble, puisque d’ailleurs elle ne lui refusait rien… Au reste, il comptait bien lui offrir le beau portrait en buste qu’il venait de terminer ; seul, le cadre qu’il faisait faire en retardait l’envoi.

— Je ne suis pas allée encore au magasin, — dit Éliane ; — je suis bien sûre que tout le monde prendra votre parti, mais que cette histoire est donc pénible pour vous, ma pauvre amie !

Et, tout en se désolant, la petite madame Poncelet avait des airs de matrone sage, à l’abri désormais de pareilles aventures.

Le courrier apporta à Louise tout un paquet de journaux. Elle ne s’étonna pas, — plus rien ne l’étonnait, — mais elle se raidit contre de nouveaux assauts. C’étaient les comptes rendus du Salon, marqués au crayon bleu à l’endroit où il était question de la Nymphe de Silveira.

« Ce tableau est très séduisant, — remarquait un des plus autorisés critiques d’art, — et, cette fois, le peintre a pris son inspiration chez Giorgione, ce maître mystérieux dont les figures chaudes luisent voluptueusement au milieu de bois obscurs… »

Certains reprochaient à l’artiste d’avoir donné à sa nymphe une expression trop hardie. « Je pense qu’elle aura tôt fait de lever un satyre, — affirmait le feuilletoniste d’un journal