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MAHATMA GANDHI

nait de l’argent, les réexpédiait au Cap ou à Durban ; on les arrêtait de nouveau ; l’affaire se plaidait de juridiction en juridiction ; le Gouvernement des Indes se plaignait au Gouvernement de Londres, qui adressait de discrètes observations au Gouvernement de l’Union sud-africaine, sans oser lui donner l’ombre d’un ordre.

L’Inde ayant prohibé l’émigration par contrat, le ministère Botha, vers la fin de 1910, promit une réglementation générale sur le modèle australien, qui ne blesserait personne. Le général Smuts, alors Ministre de l’Intérieur, négocia avec Gandhi : les émigrés de l’Inde (ils étaient plus de 100 000 au Natal ; plus de 10 000 au Cap et autant au Transvaal ; 253 seulement dans l’Orange où presque toutes les occupations leur étaient fermées), cesseraient leur résistance passive à la loi de 1907 ; en échange, cette loi serait abrogée ; la barrière de race disparaîtrait ; tous les immigrants seraient traités sur le même pied ; on ne leur demanderait que de connaître la langue anglaise.

À deux reprises, le projet fut abandonné. Lorsqu’enfin il passa en juin 1913, il n’autorisait les Asiatiques à entrer que par certains ports ; il leur enlevait le droit de domicile après une absence de trois mois ; il ne soumettait qu’eux et les autres immigrants de couleur à une épreuve d’instruction ; il maintenait la possibilité d’exclure quiconque serait jugé indésirable en raison de sa race, de sa classe, de son métier ou de ses antécédents. Au cours des débats, le ministre Fischer avait proclamé qu’étant donné le genre de vie des Indiens, l’Afrique du Sud serait bien sotte de leur accorder la plénitude des droits civils et politiques. S’ils recouraient à la résistance passive, on les excluerait d’ailleurs nommément.

En septembre, la résistance passive et les emprisonnements reprenaient de plus belle. En novembre, Gandhi, à la tête de 2 500 Indiens, entrait au Transvaal, rien que pour braver le comité de vigilance chargé d’appliquer la loi. On le frappait de peines multiples ; on reconduisait tout son monde au Natal. La grève éclatait dans les charbonnages, puis dans les plantations de canne à sucre, puis en pleine ville de Durban ; elle devenait générale au prononcé des condamnations. L’Inde s’émouvait ; le Vice-Roi demandait et obtenait une