Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 2, Mar-Avr 1922.djvu/674

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bureaux du gouvernement central et de faire dépendre des administrations provinciales le progrès et le bien-être des populations. D’importantes réformes ont bien été tentées en 1909 ; mais, pour débarrasser les provinces de leurs entraves, on n’agit qu’en 1919. Il était trop tard.

La grande Mutiny de 1857 fut dans l’espèce une révolte de l’armée du Bengale, révolte due à plusieurs causes ; l’explosion en fut amenée par des insinuations mensongères. On faisait courir le bruit que les nouvelles cartouches étaient enduites de graisses de vache et de porc, ce qui mit contre nous les troupes tant hindoues que musulmanes. Il y eut toutefois d’autres forces en jeu. Le chef était un Brahmine, Nana Sahib, ayant un mahométan, Azuiscela Khan, pour lieutenant. Les adhérents du dernier représentant de la dynastie Mogol furent profondément compromis. Le foyer de la révolte était à Delhi. Au milieu des désordres qui se produisirent, d’autres chefs surgirent, parmi lesquels Pantia Topec — un brahmine — fut le plus en vue. Une grande catastrophe fut évitée par l’énergie de quelques hommes qui purent garder le Punjab et faire agir ses ressources contre la rébellion. Des pays entiers, d’où l’autorité britannique avait disparu, offrirent l’image du chaos. Des chefs parurent, nommés par eux-mêmes, qui se combattirent mutuellement, et de vieilles querelles se rallumèrent. Tout cela, dans des cas isolés, ne fut pas incompatible avec le maintien de quelques officiers anglais qui, bien qu’impuissants, n’abandonnèrent pas leurs postes. La Mutiny n’a que peu de points communs avec le mouvement révolutionnaire actuel, organisé par des classes qui, en 1857, n’étaient pas assez nombreuses pour devenir dangereuses. Les deux mouvements montrent, cependant, combien rapidement un peuple asiatique hétérogène peut perdre toute cohésion et revenir à sa barbarie primitive.

Il y a bientôt quarante ans qu’un fonctionnaire britannique d’expérience écrivit ces paroles prophétiques :

Je prévois, avant qu’il soit longtemps, de sourdes fermentations dans la classe des indigènes ardents, ambitieux, qui, ayant reçu l’éducation britannique, voudront organiser leurs mouvements. Ils ne sont ni déloyaux ni méchants ; ils sont bruyants, sans expérience,