Page:Revue de Paris - 1829 - tome 1.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LITTÉRATURE ANCIENNE.

la grande guerre n’était pas encore inventée. Son épître sur le passage du Rhin est tout-à-fait un tableau de Van der Meulen. On a appelé Boileau le janséniste de notre poésie ; janséniste est un peu fort, gallican serait plus vrai. En effet, la théorie poétique de Boileau ressemble souvent à la théorie religieuse des évêques de 1682, sage en application, peu conséquente aux principes. C’est surtout dans la querelle des anciens et des modernes et dans la polémique avec Perrault, que se trahit cette infirmité propre à la logique du sens commun. Perrault avait reproché à Homère une multitude de mots bas, et les mots bas, selon Longin et Boileau, sont autant de marques honteuses qui flétrissent l’expression. Jaloux de défendre Homère, Boileau, au lieu d’accueillir bravement la critique de Perrault et d’en décorer son poète à titre d’éloge, au lieu d’oser admettre que la cour d’Agamemnon n’était pas tenue à la même étiquette de langage que celle de Louis-le-Grand, Boileau se rejette sur ce que Longin, qui reproche des tenues bas à plusieurs auteurs et à Hérodote en particulier, ne parle pas d’Homère ; preuve évidente que les œuvres de ce poète ne renferment point un seul terme bas, et que toutes ses expressions sont nobles. Mais voilà que, dans un petit traité, Denys d’Halicarnasse, pour montrer que la beauté du style consiste principalement dans l’arrangement des mots, a cité l’endroit de l’Odyssée où, à l’arrivée de Télémaque, les chiens d’Eumée n’aboient pas et remuent la queue ; sur quoi le rhéteur ajoute que c’est bien ici l’arrangement et non le choix des mots qui fait l’agrément ; car, dit-il, la plupart des mots employés sont très-vils et très-bas. Racine lit, un jour, cette observation de Denys d’Halicarnasse, et vite il la communique à Boileau, qui niait les termes soi-disant bas reprochés par Perrault à Homère. « J’ai fait réflexion, lui écrit Racine, qu’au lieu de dire que le mot d’âne est en grec un mot très-noble, vous pourriez vous contenter de dire que c’est un mot qui n’a rien de bas, et qui est comme celui de cerf, de cheval, de brebis, etc. Ce très-noble me paraît un peu trop fort. » C’est là qu’en étaient ces grands hommes en fait de théorie et de critique littéraire. Un autre jour, il y eut devant Louis XIV une vive discussion à propos de l’expression retrousser