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REVUE DE PARIS

ou trois barils de genièvre et quelques douzaines de caisses de tabac et de jambon d’ours ; le tout dans le but philantropique d’être agréable aux gastronomes de la côte de Suffolk, que la prohibition ou les droits fort élevés auraient sans cela privés de ces innocentes denrées.

Myn-heer Hoën et Sauret étaient donc sur le pied de la plus cordiale amitié, et ce jour-là surtout les deux vieux amis causaient tranquillement en compagnie d’un pot de vin épicé et sucré par l’hôte lui-même, qui avait (pour le moment) résigné ses fonctions entre les mains de son premier garçon…

Sauret et myn-heer Hoën étaient attablés sous un petit cabinet de verdure que de nombreuses pousses de houblon et d’autres plantes grimpantes couvraient d’un dôme impénétrable aux rayons du soleil.

A côté du pot de vin était un vase de grès rempli d’excellent tabac d’une belle couleur dorée, fin, un peu humide, et en tout digne de remplir la pipe du fumeur le plus difficile.

— Enfin, mon digne Sauret, dit Hoën, me voici un moment de relâche pour entendre la mémorable narration de ce grand combat naval des 3 et 4 août… Je charge ma pipe, et vous écoute comme un prêtre en chaire ; mais souvenez-vous de nos conditions, révérend marin véridique et océanique ; dès que vous m’aurez l’air de débiter desmenteries, un bon coup du manche de mon couteau sur la table vous rappellera à vous-même…

— Soit… mais il est important, mon très digne hôte, de nous entendre une bonne fois sur ce que vous appelez si improprement des menteries… Ah çà ! dites-moi… parce que j’ai beaucoup lu et beaucoup voyagé, dois-je donc pour cela m’en tenir simplement à la nue et grossière vérité ?… Mais alors, cher hôtelier, d’après ce principe tant soit peu sauvage, il vaudrait mieux boire ce vin sans le sucre et les épices qui lui donnent un si haut goût, car c’est la même chose… ce que vous appelez menteries, n’étant qu’une manière de sucre et de gérofle d’esprit, qui sucre et aromatise la narration, si je puis m’exprimer ainsi, mon cher hôte…

— Bien, bien, digne Sauret ; mais, par les Armes d’Enkhuysen, qui

et ornés d’une poulaine ; leur gréement consiste en deux mâts (un grand mât et un mât d’artimon), leur grand’voile est semblable pour la forme à un artimon de vaisseau ; ils ont au-dessus de la grand’voile un hunier et un perroquet, et au-dessus de l’artimon un perroquet de fougue ; ils portent en avant trois focs amures sur un beaupré assez long et peu relevé.