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REVUE DE PARIS.

Les incidens inattendus, hardis et brillans de ses drames dégoûtans, doivent nécessairement fixer jusqu’à un certain point l’attention la première fois qu’on les voit ; et il est si évidemment dans l’intérêt pécuniaire des directeurs de théâtres de monter des pièces qui produisent cet effet, que leur représentation ne peut être alléguée comme une preuve de dégradation systématique de l’art. C’est un fait que les affiches attestent d’une manière incontestable, que, quand les pièces de Victor Hugo ont épuisé la première curiosité du public, on ne leur accorde jamais l’honneur d’une reprise, et que pas une seule n’est restée au répertoire.

Ce fait, qui m’avait d’abord été dit par une personne bien versée dans cette partie, m’a depuis été confirmé par plusieurs autres, et il démontre mieux que ne le pourrait faire aucune critique raisonnée quelle est la véritable opinion du public sur ces pièces.

Le roman de Notre-Dame de Paris est toujours cité comme le meilleur ouvrage de Victor Hugo ; mais, quoiqu’il contienne réellement certains passages où son talent pour la description s’élève à une grande hauteur, je n’ai jamais entendu parler même de cet ouvrage qu’avec plus de dédain que d’admiration ; et dans des cercles où une seule louange eût suffi pour fonder sa réputation, je l’ai entendu tourner en ridicule par des plaisanteries légères, contre-poison plus sûr que n’aurait pu l’être la réprobation la plus sévère des critiques de profession.

Mais ce champion du vice, ce chroniqueur du péché, de la honte et de la misère, citera peut-être l’Écriture et dira : « Nul n’est prophète dans son pays. » J’ai vu en effet un journal anglais (the Examiner) qui disait : « Notre-Dame de Victor Hugo doit prendre rang à côté des meilleurs romans de l’auteur de Waverley… Elle les surpasse en vigueur, en feu, et en connaissance des mœurs du siècle qu’elle décrit. »

Quant au dernier point sur lequel notre compatriote donne à Victor Hugo la supériorité sur sir Walter Scott, j’ai entendu, depuis que je suis à Paris, un témoignage bien fort qui tend à prouver le contraire. Un savant jurisconsulte, qui est en même temps un homme aussi aimable que distingué, et qui occupe une place éminente au parquet de la cour royale, nous a menées voir le Palais de Justice. En nous montrant la salle des procès criminels, il nous fit observer que c’était celle que Victor Hugo décrit dans son roman, et ajouta :

« Mais il s’est trompé en cela, comme presque toutes les fois qu’il affecte de connaître les temps qu’il décrit. Sous le règne de Louis XI, les procès criminels ne se plaidaient jamais dans l’enceinte de ce palais,