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REVUE DE PARIS

principalement sur l’habile artifice des phrases incidentes jetées adverbialement, qui font le meilleur effet en poésie et dont M. Hugo se sert avec profusion ; des exemples nous feront mieux comprendre ; nous les prendrons ailleurs que chez M. Hugo, où ils se rencontrent en foule :


Les champs n’étaient bornés, et la terre commune
Sans semer ni planter, — bonne mère, — apportait
Le fruit qui de soi-même heureusement sortait.

Ronsard.

Muses, vous savez tout, — vous déesses, — et nous,
— Mortels, — ne savons rien qui ne vienne de vous.

André Chénier.

L’un a la harpe et l’orgue et l’austère harmonie.
L’autre en pleurs, — comme un cygne, — exhale son génie.

Sainte-Beuve.

La poésie, comme la musique et la peinture, a ses ruses innocentes et qui constituent souvent de véritables beautés, et nous ne croyons pas que l’inspiration individuelle puisse jamais perdre à la lecture attentive des modèles, à l’examen de toutes les ressources du style. Ce volume de M. Hugo contient aussi quelques pièces d’un rhythme que nous ne pouvons admettre autrement que comme un tour de force où la pensée ne gagne ni en éclat ni en netteté.


Livre salutaire
Où le cœur s’emplit,
Où tout sage austère
Travaille et pâlit ;
Dont le sens rebelle
Parfois se révèle :
Pythagore épèle
Et Moïse lit.

C’est employer la sainte langue des vers à des offices indignes d’elle ; nous ne pouvons excuser cette mutilation barbare.

Nous avons raconté ce livre, à peine échappé des bras humides de la presse, plutôt que nous ne l’avons jugé ; nous ne nous poserons pas cette grave question : Les Chants du crépuscule sont-ils un progrès ? Y a-t-il progrès dans les idées, progrès dans la forme ? Nous craindrions d’en dire trop ou pas assez.