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LA REVUE DE PARIS

rinos, aussi docile et aussi tranquille que l’Ancon, et produisant une laine et une viande bien supérieures.

Que prouve cet exemple ? Uniquement que le hasard peut produire des caractères utiles et que la sélection naturelle peut les fixer ; il est donc admissible que, parmi les caractères utiles à chaque espèce aujourd’hui vivante, quelques-uns aient pu apparaître une première fois par hasard ; mais n’est-il pas exagéré d’en conclure que tous les caractères utiles, c’est-à-dire, en réalité, tous les caractères de tous les êtres vivants, sont apparus une première fois par hasard ? Darwin l’admet ; il croit que le hasard, guidé par la sélection naturelle, nous donne l’explication totale de l’évolution progressive des espèces. Mais les principes de Lamarck fournissent une interprétation complète et scientifique de la formation des êtres vivants, et je pense que le lecteur de Darwin, même s’il a été convaincu d’abord, n’hésitera pas à abandonner cette première conviction quand il connaîtra les phénomènes de l’adaptation directe aux conditions de milieu. Les admirables lois de Lamarck découlent elles-mêmes de l’application de la sélection naturelle aux éléments cellulaires qui constituent les organismes supérieurs ; sur ce terrain d’entente les Darwiniens et les Lamarckiens finiront sans doute par s’accorder.

Une des principales préoccupations de Darwin a été de montrer l’utilité de caractères qui pouvaient paraître, au premier abord, indifférents ou même nuisibles, de manière à prouver que la sélection naturelle n’était jamais en défaut. Cette démonstration était parfaitement inutile puisque le principe de la sélection naturelle n’est que l’expression d’une vérité évidente ; mais il ne faut pas regretter, néanmoins, que Darwin ait pris la peine de la faire, car cela nous a valu une accumulation d’observations méticuleuses et très intéressantes. J’ai déjà signalé plus haut le cas si curieux des cochons noirs que respecte un poison fatal aux cochons blancs ; l’Origine des espèces fourmille d’exemples de cette nature et met en évidence l’importance très considérable de facteurs que l’on serait tenté de considérer comme insignifiants au premier abord. Tout se tient dans la nature, et il n’y a aucun phénomène dont on ait le droit de ne pas tenir compte ; qui aurait songé que l’établissement d’une clôture autour d’un lopin de