Page:Revue de Paris - 1905 - tome 1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
LA REVUE DE PARIS

tion politique, de 1881 à 1901, a franchi par de courtes étapes la distance qui sépare un pachalik ottoman d’un gouvernement représentatif. Comment s’est faite cette évolution, quelles en ont été les étapes, quelles sont aujourd’hui les défectuosités du régime en vigueur, comment faut-il s’y prendre pour mettre ce régime en harmonie avec le développement actuel de la colonie tunisienne ? Toutes questions urgentes et graves.



Le suffrage universel existe en Tunisie ; il y est depuis longtemps pratiqué. Même il est assez curieux de constater qu’il y fut établi avant l’occupation française, par les pachas et les beys, qui, dans chaque colonie européenne de Tunis, faisaient élire par tous les nationaux les « députés de la nation ». Le premier corps élu qu’institua l’occupation française, la Chambre de commerce, procédait également du suffrage universel ; de même les nouveaux corps électifs qui furent créés à mesure que s’organisa le Protectorat. Enfin, le 23 avril 1896, M. Millet, résident général, compléta l’organisation électorale de la Régence, en donnant le droit de suffrage à tous les citoyens français de la colonie. À l’heure actuelle, tout Français majeur, de vingt-cinq ans et non privé de ses droits politiques, est inscrit sur une liste électorale et jouit du droit de vote.

Donc, en principe, le suffrage universel existe en Tunisie. Mais c’est un suffrage à compartiments, où tous les votes n’ont pas la même valeur et où l’on voudrait que tous les élus n’eussent pas les mêmes droits. La Tunisie possède, comme la France avant 1789, trois classes de citoyens, répartis en trois « ordres » distincts, dont deux privilégiés. Et la question qui se discute aujourd’hui, par un singulier recommencement de l’histoire, reproduit en tout petit, mutatis mutandis, la querelle par laquelle commença la Révolution : vote « par ordre » ou « par tête ».

Il est hors de doute que l’organisation actuelle fut, à son heure, un grand progrès. Lorsque, en 1881, après l’occupation, naquit le Protectorat, la Tunisie était encore très loin morale-