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niser ceux qui les auraient perdus par les événements de la campagne.

On a dit que l’éducation de l’École militaire était trop grande, trop splendide pour des jeunes gens sans fortune, qui avaient été accoutumés à une vie plus simple et qui devaient ensuite, dans le corps, et surtout en campagne, supporter de grandes privations. L’expérience m’a prouvé le contraire. J’ai vu partout les jeunes gens de L’École militaire supporter aussi bien, j’oserai même dire mieux que les autres, les fatigues et la misère de l’émigration, tandis que leurs camarades restés en France se comportaient de même dans les armées françaises, et je suis resté persuadé qu’une nourriture saine, abondante et succulente, fortifie les organes des jeunes gens et leur donne une force qui leur fait supporter ensuite, avec moins de danger, les plus fortes privations.

Les véritables vices de l’École étaient d’abord, une corruption de mœurs, presque inévitable dans les établissements où le commerce avec le sexe est interdit, et qui nuisait beaucoup plus à la santé des jeunes gens que s’ils avaient eu plus de liberté. En second lieu, le défaut d’émulation : l’élève qui ne voulait rien faire en avait toute la liberté ou ne travaillait réellement que dans la classe du génie et de l’artillerie, parce qu’on ne pouvait en sortir pour être placé qu’en répondant convenablement aux examens annuels qui avaient lieu pour l’admission dans ces corps. Les jeunes gens destinés à l’infanterie et à la cavalerie, sûrs que, quand ils seraient âgés de dix-sept à dix-huit ans, ils seraient placés à leur tour, que leur plus ou moins d’application n’y changerait rien, se négligeaient presque tous, tandis qu’ils avaient bien travaillé dans les écoles de province où ils avaient pour perspective leur admission à celle de Paris, ce qui était un objet de grande émulation.

Il est vrai que tous les ans on distribuait trois croix de Saint-Lazare, mais on les obtenait sans concours public. L’expérience que l’on avait, que les jeunes gens dont les parents venaient le plus souvent aux assemblées du jeudi du gouverneur les obtenaient de préférence, la certitude où l’on était que les professeurs étaient moins consultés sur le choix que les officiers, presque tous ignorants, qui ne jugeaient du