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LA REVUE DE PARIS

au théâtre et il avait horreur de ce qu’il ne comprenait pas ; en revanche, s’il n’était pas poète, il comprenait à merveille la poésie et il savait l’admirer : il parla du livre nouveau en termes éloquents et chaleureux. Il dit sa joie sincère de voir le lyrique des Feuilles d’automne justifier les prédictions, tenir et au delà les promesses qu’il avait faites pour le lyrique des Odes et Ballades. Tout cela sans réserves, avec la meilleure volonté de servir l’œuvre et de satisfaire l’auteur. Nous n’avons aucune réponse de Victor Hugo : c’est qu’il aima mieux aller lui-même chez Sainte-Beuve pour le remercier avec effusion.

Sainte-Beuve juge le moment peut-être favorable pour retrouver l’accès de la maison interdite. Le choléra sévit à Paris : Sainte-Beuve écrit à Victor Hugo ; il se dit inquiet, — il l’est sans doute, — pour la santé des êtres chers dont il est séparé ; il se borne modestement à demander la permission évidemment superflue d’envoyer chaque jour prendre de leurs nouvelles. Il espère bien que Victor Hugo, touché de sa sollicitude, lui permettra de venir lui-même. Mais « la plaie » de Victor Hugo n’est pas fermée : il éludera la question, soit dans une visite, soit dans une lettre que nous n’avons pas.


Ce samedi [8 avril 1832].
Mon cher ami,

Si j’ai regretté quelquefois l’absence qui nous sépare, comme un mur sacré, c’est dans des moments comme ceux-ci qu’elle me paraît douloureuse et presque affreuse surtout, quand une maison où il y a tant de têtes, et pour moi tant de sujets de sollicitudes, me reste chose lointaine et inconnue. Si je l’osais, mon ami, et que je puisse espérer que vous le trouvassiez bon, j’enverrais tous les matins savoir comment va toute votre chère famille ; car pour vous, je crains peu, par la raison qu’a dite Jean-paul : votre pensée intérieure, quoique déjà si magnifiquement produite, vous sert de sauvegarde par ce qui reste encore à développer. — J’ai bien à vous remercier de vos beaux volumes. Renduel a dû vous dire mon désir d’en parler. Je ferai l’article comme pour les Débats. Je ne m’y suis pas encore mis, un peu distrait que je suis mais j’y vais songer lundi. Je cherche seulement Han et Notre-Dame que j’ai eu la bêtise de prêter je ne sais à qui. Mais je voudrais bien auparavant être tranquillisé sur vous et sur les vôtres. Je serais vraiment heureux, si j’osais envoyer demander à votre portier