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contempler, il me faudrait vous toucher seulement, vous palper… vous entendre et ne plus jamais vous voir ; il me faudrait entrer sous ce toit de roches, de pierres et de ténèbres, cet horrible plafond sous lequel votre imagination se courbe… Non !… vous ne voudrez pas que je consente à cela ?…

Il se tut, ayant donné à sa phrase une intonation interrogative : un doute désagréable s’était emparé de lui.

— Parfois je souhaite…

Et elle n’acheva pas.

— Eh bien ? — questionna-t-il, avec un peu d’appréhension.

— Parfois je souhaite que vous ne parliez plus comme cela.

— Comme quoi ?

— C’est très beau, je le sens. C’est votre imagination, et elle me ravit… mais… à présent…

Un frisson glacial le secoua.

— À présent ?… — fit-il, d’une voix rauque.

Elle demeura parfaitement immobile et ne répondit pas.

— Vous voulez dire… vous croyez… que je serais mieux… qu’il vaudrait mieux peut-être ?…

Il devina soudain les pensées de la jeune fille et suffoqua de colère, de colère contre le destin stupide, et, en même temps, il se sentit envahi, pour elle qui n’avait pas compris, d’une infinie sympathie, d’une sympathie qui était presque de la pitié.

— Ma chérie ! — murmura-t-il passionnément.

La pâleur de la jeune fille lui indiqua combien elle souffrait de tout ce qu’elle ne pouvait pas dire. Il passa ses bras autour d’elle, lui baisa la joue, et ils restèrent ainsi quelque instants, silencieux.

— Si je consentais à ce sacrifice ?… — insinua-t-il d’une voix qu’il avait faite très douce.

Elle le serra contre son cœur en donnant libre cours à ses larmes.

— Oh ! si tu voulais !… — sanglotait-elle, — oh ! si seulement tu voulais !…

Pendant la semaine qui précéda l’opération par laquelle il allait s’élever de sa servitude et de son infériorité au rang de