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les théories tactiques et la guerre actuelle

Ce duel d’artillerie se poursuivit pendant toute la journée du 30, sans grands résultats ; l’emplacement des pièces de la 5e division ne fut jamais découvert par l’artillerie russe, qui fut un peu plus heureuse contre les batteries de la plaine, grâce au procédé de tir qu’elle employa. Il consistait à fouiller méthodiquement et à battre une zone profonde de terrain, en exécutant du tir progressif par salves de batteries. Bien des salves étaient perdues, mais de temps à autre une d’entre elles éclatait au-dessus de l’objectif et causait des pertes. Des deux côtés, d’ailleurs, on ne tira que par salves de batteries. L’absence d’objectifs suffisants et la nécessité d’économiser les munitions firent dégénérer le feu en bombardement régulier et lent, sans permettre de donner au tir toute la rapidité que pouvait fournir le matériel en service. La rafale, dont il a été si souvent parlé depuis l’adoption des pièces à recul sur affût, n’a jamais pu être employée.

L’infanterie de la 3e division resta toute la journée terrée dans ses tranchées de la plaine sans bouger d’un pas. La 5e division au contraire, profitant des abris naturels et de l’avantage obtenu grâce à l’occupation du piton G, tenta de continuer le mouvement, afin de déborder complètement le flanc gauche de l’ennemi. Un régiment, laissé en arrière pendant la nuit précédente, passa le défilé de Loutaoutchouan et, obliquant franchement à droite, prolongea la gauche de la première ligne. De là, il avait pour mission de déboucher au nord du sommet G et de prendre a revers les positions E, F. Arrêté de front par le feu de F et d’écharpe par les balles et les obus de la position flanquante L–M, il ne parvint pas à se déployer et battit en retraite, après avoir éprouvé des pertes considérables. La tentative plusieurs fois renouvelée échoua toujours. Vers quatre heures du soir, le commandant de la 9e brigade (5e division) fit également un effort sur le front de la gauche russe ; un bataillon, massé dans un lit de torrent entre O et H, reçut l’ordre de prendre l’offensive : il fut décimé et se replia sur ses abris.

Le 30 au soir, toutes les troupes de la 5e division avaient renforcé la première ligne en se rassemblant dans le défilé qui sépare O et K ; elles se préparaient à venir combler, la nuit suivante, le vide existant entre la droite de la 3e division