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LA REVUE DE PARIS

répugnance pour le mariage, mais il était dans l’habitude d’avoir une servante maîtresse. Cette dernière avait eu soin que l’harmonie ne durât pas longtemps entre ma mère et son frère, qui eut pour elle de très mauvais procédés. L’attachement que ma mère avait pour moi, et que je lui rendais, quoique enfant, m’attira la haine de M. Desaulnois ; il porta toute sa tendresse à son filleul. Je fus témoin de plusieurs scènes très vives entre mon oncle et sa sœur et j’en ai conservé le souvenir le plus vif. J’ai toujours eu depuis pour M. Desaulnois une antipathie décidée que j’aurais eu beaucoup de peine à déguiser quand je l’aurais revu, s’il ne fût pas mort avant cette époque.

Quoique mon père ait joui de la plus mince fortune, j’aurais pu cependant, dans des circonstances ordinaires, finir par en avoir une très honnête. Je devais d’abord réunir celle du frère et des sœurs de mon père ; en second lieu, Castres de Sevricourt mon parent, le même que j’ai dit être officier supérieur de cavalerie, et qui devint plus tard major général des carabiniers, n’était pas dans l’intention de se marier et me destinait pour son héritier : il en avait fait plusieurs fois la promesse à ma mère et à mon oncle le chevalier de Castres. J’aurais eu ensuite une part de la succession de M. Desaulnois et enfin, quelques jours après ma naissance, un oncle, à la mode de Bretagne, de ma mère, officier supérieur en Autriche et possédant des terres en Hongrie, lui avait écrit pour s’informer si elle était accouchée d’un garçon parce que, dans ce cas, son intention était de le regarder comme son héritier. Toutes ces belles espérances s’en allèrent en fumée. Sevricourt mourut presque subitement sans avoir pu rien faire en ma faveur, et quand il l’eût fait, ayant émigré à l’époque de la Révolution, j’aurais perdu cette fortune, comme j’ai perdu celle de mon père et ma part de la succession de mon oncle de Castres et d’une tante.

M. Desaulnois se ruinait avec ses servantes, de sorte que ma mère, rentrée en grâce près de lui, fut obligée de l’engager à se marier, puisque aussi bien il ne me fût rien resté. Malheureusement la femme qu’il épousa s’entendait aussi peu à l’économie que lui. Il fut obligé de vendre sa terre, qui lui fut payée ensuite en assignats.