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pouvez lui dire de m’envoyer sa note, — ajouta-t-elle, comme pour terminer la discussion à tout prix.

— Je suis désolée, tante Julia ; il m’est odieux de vous importuner dans un pareil moment ; mais je n’ai vraiment pas le choix… J’aurais dû parler plus tôt… Je dois beaucoup plus de mille dollars.

— Beaucoup plus ?… En devez-vous deux mille ?… Elle a dû vous voler !

— Je vous ai dit qu’il ne s’agissait pas seulement de Céleste, Je… il y a d’autres notes… plus pressantes… qui doivent être réglées.

— Qu’avez-vous bien pu acheter ?… Des bijoux ?… Il faut que vous ayez perdu la tête ! — dit Mrs. Peniston avec âpreté. — Mais, si vous vous êtes endettée, il faut que vous en supportiez les conséquences : vous n’avez qu’à mettre de côté votre revenu mensuel jusqu’à ce que vos notes soient payées. Si vous restez tranquillement ici jusqu’au printemps prochain, au lieu de courir sans cesse de droite et de gauche, vous n’aurez aucune dépense, et sûrement, en quatre ou cinq mois, vous pourrez régler le restant de vos dettes, si je paye maintenant la couturière.

Lily garda de nouveau le silence. Elle savait qu’il n’y avait pas d’espoir de soutirer même mille dollars à Mrs. Peniston sous le simple prétexte de payer la note de Céleste : Mrs. Peniston voudrait vérifier le compte de la couturière, et elle ferait le chèque au nom de celle-ci, et pas au nom de Lily. Et pourtant il fallait obtenir l’argent avant la fin de la journée !

— Les dettes dont je parle sont… différentes… pas des factures de fournisseurs, — commença-t-elle avec embarras.

Mais le regard de Mrs. Peniston faillit l’empêcher de continuer. Se pouvait-il que sa tante soupçonnât quelque chose ?… Cette idée précipita les aveux de Lily :

— Le fait est que j’ai beaucoup joué aux cartes… au bridge… Toutes les femmes le font ; les jeunes filles aussi… c’est reçu. J’ai gagné quelquefois… gagné pas mal… mais, ces derniers temps, je n’ai pas eu de chance… et, bien entendu, des dettes de ce genre ne peuvent se payer par acomptes.

Elle s’arrêta : la figure de Mrs. Peniston semblait se pétrifier à mesure qu’elle l’écoutait.