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qu’il avait cachetée. Puis, comme il allait ouvrir la porte, il dit à Louise :

— Quand vous serez là-bas depuis quelques jours, envoyez-moi de vos nouvelles… Je vais inscrire votre nom.

Et, d’une écriture rapide, il traça sur son calepin les deux mots : « Louise Kérouall ».


XV


Louise s’en alla, dans la première semaine de juillet. Pour l’accompagner, Félicité lui avait cédé sa femme de chambre, sa Rosalie, à qui elle tenait pourtant beaucoup. C’était une fille de trente-cinq ans, d’allure modeste et d’aspect comme il faut et qui pouvait très bien figurer une demoiselle de compagnie. Louise se logea dans le meilleur hôtel. Sa fenêtre s’ouvrait sur des parterres fleuris, au-dessus desquels s’allongeaient des allées de tilleuls qui jetaient une ombre profonde. Des bouquets d’arbres s’étageaient sur les collines.

Le pays se montrait bien tel que l’avait décrit le docteur Lenoël, de grâce souriante, un peu enfantine. Les prés étaient vert tendre et tout émaillés de fleurs, et des ruisseaux couraient au travers. Au loin, les montagnes rangées en cercle, boisées jusqu’à leurs cimes, semblaient être les gardiennes de cette vallée paisible.

Et, tout alentour, les maisons, les petites rues offraient cet aspect avenant et gai dont l’Allemagne excelle à parer ses dehors les plus humbles, en les faisant briller de fraîcheur et de gentillesse.

Le jour même de son arrivée, Louise se rendit chez le docteur. Il habitait au rez-de-chaussée d’une petite maison coquette et fleurie et sur une plaque de cuivre se lisait gravé :

Doktor Rottenheimer, von 2 bis 4.

Une bonne parut et introduisit Louise dans le petit salon. Trois personnes y attendaient déjà : une vieille dame abîmée dans ses rêveries, un monsieur d’âge moyen, et un jeune homme à la tournure cambrée et arrogante des officiers allemands.