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sont seuls, c’est bien différent. J’en reviens toujours là : c’est une nation de fous et de singes, aussi malicieuse et astucieuse que ceux-ci, prête à se laisser aller aux plus ignobles actes de sauvagerie, pourvu qu’il n’y ait à cela aucun danger pour elle[1] !

C’est là un exemple des boutades habituelles à Kretschman. Il n’est pas plus aimable pour l’Angleterre :

Les efforts faits par les Français avec l’appui de l’Angleterre, m’en imposent franchement. Sans l’Angleterre, nous aurions déjà la paix ; la France n’aurait jamais pu armer ses troupes de nouvelle formation. L’Angleterre a puisé dans ses propres réserves de guerre, et je me fais cette idée qu’à l’heure actuelle les ministres anglais sont les gens les plus riches du monde. Il faudra plus tard anéantir cette puissance, et pour cela il n’est pas besoin de guerre. Nous aurons une flotte ; l’Amérique n’attend qu’une occasion pour se débarrasser de l’Angleterre, et, depuis la Crimée, la Russie a un petit compte à régler avec elle. Ce peuple qui, aussi loin que la terre s’étend, arme d’un poignard, contre remboursement, le bras de n’importe quel assassin, ce peuple pour lequel tout crime contre l’État, contre l’Église ou contre la Civilisation est considéré comme juste pourvu qu’il rapporte de l’argent, ce peuple ne mérite pas de tenir une place dans le conseil de l’Europe. Quelle peur s’empara de cette nation à la pensée d’avoir à faire vis-à-vis de la Russie preuve de courage et même simplement de bonne contenance, mais aussi quelle joie lorsqu’on s’aperçut qu’on pouvait bien s’en passer[2] !

À la reprise de la poursuite de l’armée de la Loire, le IIIe corps suit le sort de la IIe armée. Il assiste aux combats autour du Mans et occupe une première fois cette ville du 13 au 23 janvier 1871.

Quelles terribles journées nous venons de vivre ! Un froid épouvantable, des chemins couverts de verglas, une nourriture médiocre, un terrain où l’on ne peut utiliser ni cavalerie ni artillerie, et, pendant sept jours sans discontinuer, des combats à outrance, comme le voulaient les Français[3].

Le corps d’Alvensleben poursuit un peu au delà du Mans l’armée de Chanzy en retraite sur la Mayenne, mais sans dépasser Coulans (15 kilomètres à l’ouest du Mans), où lui

  1. Lettre 128, Meung, 22 décembre.
  2. Lettre 131, Meung, 25 décembre.
  3. Lettre 146, Le Mans, 13 janvier 1871.