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LA REVUE DE PARIS

Il parut à Jella que, de ce petit mouvement, Pierre l’avait repoussée loin de lui. On aurait dit qu’elle n’était même plus dans la maison, qu’elle était de nouveau dehors, sur le talus, contre la poitrine d’André.



XXIII


Sur la crête des montagnes, le printemps était encore immobile.

Le silence était vaste. On entendait vibrer dans l’air les fils télégraphiques. La forêt se dressait durement dans le ciel d’un bleu aigu. L’herbe ne tremblait pas au bord du sentier. Et Jella aussi retenait son souffle. Elle se tourna du côté d’où venait André.

Ils ne s’étaient pas revus.

Lorsque le gars l’aperçut, il marcha moins vite. Une colère irraisonnée et dépitée remuait tout son être.

« Pourquoi est-elle ici ? » pensa-t-il amèrement, et il aurait voulu la jeter en bas du talus, car alors, au moins, il aurait pu la toucher. Il enfonça dans ses poches ses poings qui faisaient bosse sous la blouse à raies bleues.

« Mais qu’a-t-elle donc à se mettre sur mon chemin ? »

Et pendant qu’il songeait à s’en retourner, il allait plus rapidement au-devant d’elle.

La chevelure de Jella brillait d’un éclat métallique au soleil. Le visage d’André s’assombrit. Cette femme, dans les montagnes, ne pouvait comprendre ce qu’il ne pouvait exprimer. Leurs regards se croisèrent un instant, et ils avaient l’air désespéré, comme s’ils cherchaient, à perdre haleine, quelque chose l’un dans l’autre.

Le gars poussa un soupir. Il s’éloigna sans mot dire.

Soudain Jella parut grandir. Comme si on avait frappé du poing ses veines, elle sentit bouillonner son sang.

André ne se retourna point pour la regarder. Et elle pensait toujours à l’étreinte. Elle passa nerveusement sa main sur son épaule. Elle voulait effacer quelque chose sur elle. Elle respirait rapidement. Elle voulait aspirer de nouveau dans sa poi-