— Attendez seulement un peu, reprit-il.
Jukes ne voyait de lui qu’un dos buté, que balançait l’énorme lame.
— Alors vous pensez que ça va chauffer ? demanda Jukes avec un intérêt enfantin.
— Si je pense que… Pense rien ! Vous ne m’y prendrez pas ! riposta vivement le petit lieutenant avec un mélange de fierté, de mépris et d’astuce, comme s’il venait d’éventer un piège dans la bénévole question de Jukes. Non ! non ! aucun de vous ici ne se paiera ma tête… À d’autres ! marmotta-t-il.
Jukes classa tout aussitôt le lieutenant dans la catégorie des sales vilains bougres et se prit à déplorer derechef l’effondrement du pauvre James Allen dans le chaland à charbon.
La noirceur lointaine du ciel, à l’avant du navire, semblait une seconde nuit vue à travers la nuit étoilée de la terre, une nuit sans étoiles, gouffre d’obscurité par-delà l’univers créé, et dont la déconcertante tranquillité apparaîtrait dans une échancrure de l’étincelante sphère dont notre terre forme le noyau.
— Quoi que ce soit qu’il se prépare, dit Jukes, nous y filons tout droit.
— C’est vous qui l’avez dit, releva le lieutenant tournant toujours le dos à Jukes. C’est vous qui l’avez dit, remarquez-le bien ; ce n’est pas moi.
— Oh ! allez au diable, dit Jukes sans ambages.
L’autre fit entendre un petit gloussement de triomphe :
— C’est vous qui l’avez dit ! répéta-t-il. – Et puis après ?
— J’ai connu des hommes vraiment remarquables qui ont eu à s’expliquer avec leurs patrons pour en avoir dit fichtrement moins, reprit le premier lieutenant fiévreusement. Oh ! non, vous ne m’y prendrez pas !
— Vous semblez diablement préoccupé de ne pas vous couper, dit Jukes qu’aigrissait une telle bêtise. Je n’ai pas peur de dire ce que je pense, moi.
— Oui, oui ; de me le dire à moi. Je ne compte pas, je le sais de reste. Le navire,