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jésuite, plutôt que celui de Marquis ? Sur toutes ces questions, il reste beaucoup d'incertitudes. Qu'il nous soit donc permis de dire ici quelques mots des premières éditions du Dictionnaire français-latin.

La première série de ces ouvrages comprend tous les dictionnaires imprimés avant les travaux de l'Académie française. On est convenu de les placer tous sous les auspices de Jean Nicot, l'ambassadeur de Portugal, l'introducteur du tabac en France. A nos yeux cependant il n'est pas certain que maître Nicot, le philologue, soit le même que messire Nicot, le diplomate. Et, quoi qu'il en soit de cette question, nous pensons que sa gloire a été fort injustement grandie aux dépens de celle de Robert Estienne, l'auteur d'un premier Dictionnaire françois-latin, publié en 1539.

Après la mort d'Estienne, un fameux libraire de Paris, nommé Jacques Du Puy, ayant découvert un exemplaire de son Dictionnaire chargé de nombreuses additions marginales, confia à Mr Jean Thierry le soin de coordonner ces notes et de préparer une seconde édition augmentée. L'édition parut en 1564, ct fut suivie presque immédiatement de contrefaçons sans nombre ; si bien que vers 1580, les héritiers de Du Puy crurent devoir renouveler l'expédient qui leur avait si bien servi une première fois : ils prièrent donc Mr Jean Nicot de faire à l'édition de 1564 de nouvelles additions et corrections, et en 1584, ils firent paraître une troisième édition du grand Dictionnaire français-latin, enrichi pour la première fois des remarques de M. Jean Nicot, et de plusieurs autres personnages doctes. C'est à partir de ce moment que le Dictionnaire de Robert Estienne fut reçu dans le monde comme l'ouvrage de Nicot. Plus tard, Baudouin, Marquis et d'autres encore grossirent les additions de 1584 ; mais, moins heureux, ils n'enlevèrent pas à Jean Nicot l'honneur qu'il avait lui-même usurpé ; tant il est vrai que le royaume de Justice n'est pas de ce monde. Vespuce a donné son nom à la découverte de Colomb ; et les anciens dictionnaires français de Robert Estienne sont cités aujourd'hui, même par les