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SÉOUL

royaux du roi Taidscho Daï Wang, qui fonda la dynastie actuelle il y a plus de 500 ans : ils correspondent exactement à ceux que porte l’empereur actuel.

Les Coréens sont très attachés à leurs coutumes nationales et se cabrent obstinément devant toutes modifications, surtout lorsqu’elles sont prescrites à l’instigation des Japonais, ennemis abhorrés. Pendant la guerre sino-japonaise de 1895, ceux-ci occupèrent le pays et firent décréter le port des cheveux courts et des habits européens : cette mesure faillit provoquer une révolution, malgré l’exemple donné par le roi, qui apparut un beau jour à son peuple « déguisé en Japonais moderne », les cheveux ras et en habit noir acheté à Tokyo.

La loi sur le raccourcissement des pipes eut aussi peu de succès. La pipe coréenne a généralement cinquante centimètres de longueur : écourtée, elle allait ressembler à la pipe japonaise longue à peine de quinze centimètres. Or, ressembler au Japonais exécré est, pour le Coréen, le comble de l’humiliation.

D’autres nouveautés, l’organisation d’une armée en particulier, furent cependant acceptées plus docilement. Aujourd’hui, Séoul possède une garnison de neuf régiments et un corps de police, vêtus, équipés et armés à l’européenne : képi, tunique courte et ajustée, pattes d’épaules jaunes, pantalon noir et guêtres blanches montant jusqu’au mollet. Les effets sont de mauvaise qualité et s’usent rapidement, surtout les fonds de culotte. La chaussure, confectionnée en cuir cassant, a été fournie par le Japon ; elle devient hors d’usage au bout de quelques marches et blesse les soldats plutôt habitués au port des sandales de corde. On rencontre souvent dans la campagne des détachements portant les souliers à la main ou suspendus à l’équipement et marchant pieds nus. Fort bien constitués, les soldats coréens, pris individuellement, ont meilleure mine que les soldats japonais quelque peu ridicules avec leurs jambes trop courtes ; réunis en troupes, ils ne possèdent aucune valeur militaire et ont une façon toute bourgeoise et enfantine de monter la garde et de faire l’exercice. Le moindre détachement ne se déplace pas sans accompagnement de musique : par musique, il faut entendre une cacophonie de sons grêles et abominablement faux. Toute escouade a ses clairons, et comme la ville, malgré son caractère essentiellement pacifique et paisible, est littéralement couverte de postes de police, il ne s’écoule pas une demi-heure sans que l’on entende une affreuse sérénade d’appels de trompettes lancés sur le même ton et à intervalles réguliers. Le relèvement de chaque sentinelle, rapprochée ou éloignée du corps de garde, donne lieu à une sonnerie. On dirait de grands enfants jouant aux soldats. Heureusement pour la capitale, ce tintamarre d’appels de tramways est appelé à disparaître prochainement : l’empereur vient de