Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 12, 1907.djvu/79

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35. Un illustre anachorète qui disait : Pourquoi me combats-tu ainsi, Satan ? entendit Satan répondre : C’est toi qui me combats fortement.


36. Un anachorète vit un démon qui en poussait un autre à aller éveiller un moine. Il entendit l’autre répondre : Je ne puis le faire, car jadis je l’ai éveillé ; il s’est levé et m’a brûlé par ses chants et ses prières.



DES OFFICIERS ROYAUX[1].


37. On racontait[2] qu’un officier percepteur, jeune, de très bel aspect, gérait les deniers royaux. Il avait dans une certaine ville un ami illustre qui possédait une jeune femme. Celui le reçut lorsqu’il passa par là ; il demeura dans sa maison et mangea avec sa femme ; il avait de l’amitié pour lui. Comme il demeurait longtemps près d’eux, la femme commença à penser à lui sans qu’il en eût connaissance. Comme elle était chaste, elle ne lui révéla pas ses pensées, mais attendit et souffrit. Il arriva qu’il se mit en route selon son habitude ; quant à elle, ses pensées la rendirent malade et elle s’alita. Son mari lui amena des médecins qui l’auscultèrent et dirent au mari : Elle a peut-être quelque souffrance de l’esprit, car elle n’a aucune maladie corporelle. Son mari s’assit auprès d’elle, la supplia et dit : Dis-moi ce que tu as. Celle-ci, timide et rougissante, ne le confessait pas d’abord, mais elle lui dit enfin : Tu sais, Seigneur, que par charité ou par simplicité tu introduis ici de jeunes personnes, et moi, comme femme, j’ai été frappée par l’officier royal. Son mari, ainsi renseigné, se tut et lorsque plus tard l’autre revint, il alla au-devant de lui et lui dit : Tu sais, mon frère, combien je t’ai aimé, je t’ai reçu avec charité et t’ai fait manger avec ma femme. L’autre dit : C’est vrai, Seigneur. Et il lui dit : Voici que ma femme pense à toi. L’autre, en l’entendant, non seulement ne songea pas à elle, mais, emporté par la charité, il fut très affligé et il lui dit : Ne t’afflige pas, Dieu (nous) secourra. Il s’en alla donc, se coupa les cheveux, puis il prit une substance[3], s’en oignit la tête et la figure au point de les brûler ainsi que les sourcils. Il fit disparaître toute sa beauté et sembla un ancien lépreux. Il se couvrit donc d’un voile et alla rendre visite à la malade et au mari qui était près d’elle, puis, relevant (le voile), il leur montra sa tête et son visage et commença à dire : Voilà ce que m’a fait le Seigneur. Quand elle le vit passé d’une telle beauté à une telle laideur, elle fut dans l’étonnement. Dieu, voyant la peine (que cet homme avait prise), enleva les ten-

  1. Magisteriani. Cf. Glossaire de Ducange et M, 988, note 24.
  2. Coislin 232, fol. 166 ; Grec 1036, fol. 234v ; 1596, p. 365. Paul, 364.
  3. Ce nom manque dans Ducange qui donne seulement le sens de « lame ».