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214 LA REVUE DE L'ART description et l'invention de son char, parce qu'elle est assise sur des roues éternelles. Le peintre ne s'en tint pas seulement. aux éléments fournis par Pétrarque, mais il en chercha d'autres un peu partout: la Re- nommée, comme dans l'Amoureuse Vision de Boccace, est à l'intérieur d'un cercle, Fu, ch' a sesta Un cerchio, si moveva alto, e ritondo Da pie', passant!.' a lei sovra la testa. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose dans le monde entier, cam- pagne, paysage intime ou étrange, qui n'apparaisse à l'intérieur de ce tondo. De cette manière, les arts représentatifs, s'inspirant de la lecture de Pétrarque, glanant dans Boccace, tenant compte des matériaux déjà réunis pour exprimer les attributs, pour figurer les personnages, renouvelèrent les Triomphes. D'abord il s'en servirent pour illustrer les cassone destinés aux vêtements nuptiaux des jeunes filles, les meubles des demeures sei- gneuriales, et même, à la fin, les disques d'accouchement. Tel est le tondo de la Pinacothèque de Turin, sur lequel on voit porter à une Florentine en train de devenir mère le breuvage restaurateur. C'est un excellent exemple pour démontrer comment les peintres ont cherché de ci de là leurs maté- riaux, même en dehors du texte de Pétrarque, puisque, autour du char de l'Amour, se tient Aristote avec la belle Campaspe sur le dos. On se rappelle la légende médiévale, d'après laquelle Aristote veut libérer Alexandre de l'esclavage d'une courtisane. Celle-ci jure de tirer A-engeance du philo- sophe : et un beau matin, pendant qu'Aristote travaille dans sa chambre, Campaspe, vêtue d'une petite tunique de couleur violette, passe sous ses fenêtres, en cueillant des fleurs de menthe. A sa vue, le sage s'émeut : il descend dans le jardin et déclare son amour à Campaspe : mais la belle enfant des Indes veut qu'il lui en donne la preuve, en se laissant mettre bride et selle, et en la portant sur son dos. Aristote y consent et s'exécute ; il chemine à quatre pattes, jusqu'à ce qu'Alexandre surprenne en cette posture le vieux logicien, qui lui dit : «  Apprends en me voyant quelle défiance un jeune prince doit avoir de l'amour, puisque un vieux philo- sophe se laisse ainsi prendre à ses pièges »." Cette légende médiévale, étrangère aux Triomphes, figure dans le disque de Turin et dans d'autres, en même temps que l'histoire, rappelée par Pétrarque, de Dalila en train