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230 LA REVUE DE L'ART Henry VIII, assis sur un trône, recevant une délégation des barbiers-chirurgiens, auxquels il accorde leur charte. L'attitude du roi est pleine de gaucherie, des visages ont été repeints, d'autres sont d'une médiocre facture; aussi est-il impossible d'émettre un avis sur ce tableau, qui, dans l'état où il se trouve, n'est pas digne d'Holbein. Il ne mérite cependant pas la sévérité de certains critiques, qui relèvent une disproportion choquante entre la taille du roi et celle des autres personnages. Enfin, il est intéressant de noter que deux des délégués ont été portraiturés séparé- ment par Holbein : John Chambers, vieillard de 88 ans, au musée de Vienne, et William Butts, âgé de 59 ans 1, — tous deux médecins de Henry VIII. La concordance est par- faite quant à la ressemblanceet à l'attitude. Notre Archevêque Warham du Louvre est représenté en Angleterre par plusieurs répliques. Deux surtout sont dignes d'attention. La première orne la salle des gardes du palais de Lambeth, la résidence londonienne de l'archevêque de Canterbury, et passe pour l'original. Ce portrait se distingue du nôtre par uneplus grande dureté et un coloris gris sombre. Le second est à Charlbury, près d'Oxford, et appartient au vicomte Dillon. Ici se retrouve le coloris brun qui nous est familier. Seules des diffé- rences infimes distinguent ces tableaux, comme l'amplitude du champ représenté ou la forme d'une étiquette qui nous renseigne sur l'âge et la date. En ce qui concerne la qualité, les exemplaires anglais semblent plus vigoureux que celui de Paris, et le tableau de Charlbury est plus holbeinesque de coloris que celui de Lambeth. Nombreuses sont les traces du commerce assidu qu'Holbein entretint avec la famille de Thomas More à son arrivée à Londres, en 1526. Les dessins de Windsor, le tableau de famille de Nostell Priory (lord St. Oswald), et l'esquisse de ce tableau du musée de Bâle, nous font connaître enfants, parents, amis et serviteurs de sir Thomas. Mais le document le plus précieux qu'Holbein nous ait laissé est le Por- trait de sir Thomas, qui se trouve à Haywards Heath, chez Mr. Edward Huth 2. Le futur grand chancelier est assis, de trois quarts à droite, drapé dans une robe de satin vert sombre, bordée de fourrure au col et aux manches ; les extrémitésde celles- ci sont grenat et présentent de magnifiques reflets. Les mains réunies tiennent un papier, le coude droit est appuyé sur un pilier qui porte la date MDXXVII. Autour de son cou et sur sa poitrine s'étale la chaîne d'or dite « double S », formée d'une suite d'S réunis, appelée fort improprement la «chaîne de chancelier», puisque cette dignité ne lui fut conférée qu'en 1529. Un portrait intitulé le Juge More, par Holbein, à .Wiltoh House, chez le comte de Pembroke, ne présente aucune ressemblance avec le père de sir Thomas, dont un dessin de Windsor fixe très nettement la physionomie. L'attitude doctorale d'un juge lisant une sentence, —la main droite levée, la gauche tenant un papier — lui a pro- bablement valu ce nom. Le tableau est d'ailleurs excellent ; il fait plutôt penser à Joos van Cleef qu'à Holbein. 1. Sir William Bulls et Lady Butls (fig. 1 et 2), deux portraits ayant appartenu à W. H. Pole Carew (Londres), et achetés récemment par Mrs. Gardner (Boston, U. S . A.) . Une copie ancienne de Sir W. Butts se trouve à la National Portrait Gallery. 2. Une réplique à Althorp (comte Spencer). La copie par Rubens se trouve au musée du Prado.-