Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/431

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356 LA REVUE DE L'ART faut plus que je l'espère ! » Il eut pourtant six toiles admises au Salon de 1848, dont trois paysages qu'il avait exécutés à Ornans, dans l'été de 1846, et « où il rompt complètement, dit-il, avec ses paysages anciens, étudiant maintenant la nature de près ». Entre temps, Courbet avait fait un voyage en Hollande ; il y avait longuement contemplé Rembrandt. «Ce voyage-là, disait-il, en apprend davantage que trois ans de travail». Enfin, nous arrivons au Salon de 1849, où s'établit d'une manière nette, violente, pour ainsi parler, la réputation de Courbet, grâce à l'Après-diner à Ornans entre six autres toiles. C'est le début de Courbet dans la « grande peinture». Il a exécuté — hardiment! — ce qu'il voulait. Il est lui, sans conteste. Delacroix devant ce tableau, s'écrie : «  A-t -on jamais vu rien de pareil, ni d'aussi fort, sans relever de personne ? Voilà un novateur, un révolutionnaire aussi ; il éclôt tout à coup, sans précédent : c'est un inconnu ! » Ingres n'est pas moins étonné. Il trouve la toile nulle pour ce qui est de la composition et du dessin. Mais il admire les dons extraor- dinaires de ce peintre, « qui possède, épanouies à son premier coup de pinceau, des qualités que tant d'autres acquièrent si rarement ! » Et il dit: «  Ce garçon-là, c'est un oeil ». L'Après-diner à Ornans est aujour- d'hui l'une des plus glorieuses peintures du musée de Lille, encore qu'elle se soit considérablement assombrie. Il faut dire d'ailleurs qu'elle ne fut jamais une toile claire. C'est plus tard que Courbet— sous l'influence de la lumière méridionale — devait éclaircir sa palette. L'Après-diner à Ornans fut très discuté, mais ne fit pas scandale. Cet honneur était réservé à l'Enterrement à Ornans, que Courbet envoyait au Salon suivant avec les Casseurs de pierres et le Retour de la foire. On n'imagine pas ce que l'Enterrement valut de railleries, d'injures à Courbet! Il ne s'attendait pas du reste qu'il fût salué d'un consente- ment unanime. Il l'avait peint avec des intentions franchement comba- tives.- C'était son manifeste, le véritable manifeste du réalisme. On peut discuter, réprouver l'esthétique de Courbet; on ne peut pas nier l'importance; d'une telle oeuvre dans l'histoire de la peinture. Un critique de bon sens, Paul Mantz, entre tant d'autres, ou trop enthousiastes, ou bassement, ridiculement injurieux, écrivait : «  L'Enterrement sera, dans l'histoire de l'art moderne, les colonnes d'Hercule du réalisme. On n'ira plus au delà, et ce tableau, leçon durable et aisément comprise, demeu-