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l’arrangement du paysage, rochers, arbres et « fabriques », sont d’un artiste qui a connu et imité, comme Rubeus, des œuvres ou des maîtres du Nord. Le peintre de Cordoue insiste sur des accessoires ou des détails avec la minutie ingénieuse et puérile d’un Brugeois ; un vieux cavalier à barbe blanche sur un vieux cheval blanc passe entre les buissons, près de la tête de la Vierge ; un papillon insouciant s’est posé sur le sol nu, devant le saint Jérôme, à côté du lion endormi.

Le bréviaire que lit le cardinal a été copié et enluminé de grandes lettrines avec autant de soin que le livre d’Heures du donateur agenouillé devant le saint Michel de maître Rubeus. Les édifices de la ville qui se montre au loin, derrière la Croix, — tours dentelées comme des clochers flamands, coupoles plus semblables aux coupoles bizarres des Van Eyck qu’aux monuments moresques de l’Andalousie, — ont la silhouette des tours et des coupoles qui se reflètent sur la cuirasse de l’archange.

Un rapprochement, que viennent d’indiquer en même temps deux érudits espagnols[1], achèvera de prouver que le peintre du Saint Michel est aussi celui de la Pietà. Il existe, dans une des sacristies de la cathédrale de Séville, un petit panneau de technique et de style flamands, qui porte la signature d’un peintre andalou, Juan Nuñez. On y voit la Pietà devant la Croix, entre un saint diacre, qui est saint Vincent, et l’archange saint Michel. Le groupe de la Mère et du Fils n’a point la force tragique de la Pietà de Barcelone ; mais il est disposé à peu près comme le groupe qu’a peint Vermejo. Le fond du paysage et les architectures sont presque identiques dans le tableau de Séville et dans celui de Barcelone. Or, voici que le saint Michel, placé par Juan Nuñez à la droite de la Vierge, porte une targe ornée d’un umbo en cristal de roche, comme celle que présente au monstre le Saint Michel de la collection Wernher ; devant l’archange et la Vierge est agenouillé un donateur, un chanoine, aussi petit, par rapport aux saints, que le donateur peint par Rubeus. Le tableau de la cathédrale de Séville réunit, dans l’œuvre d’un artiste sans vigueur, une Pietà qui rappelle le tableau de Bartolomé Vermejo, et un Saint Michel qui rappelle celui de Bartholomeus Rubeus. Cette fois, il est difficile de douter que

  1. D. S. Sanpere y Miquel, dans l’ouvrage sur les Quattrocentistes catalans, dont je parlerai plus bas (t. II, p. 112), et D. Elias Tormo y Monsó, dans la nouvelle revue la Cultiva española (1re année, fasc. III, p. 519).