Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/534

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L'HOMME AU VERRE, ATTRIBUÉ A JEHAN FOUQUET 439 peints vers 1450. Fouquet arrivait d'Italie, l'oeil tout plein encore des images puissantes et fraîches, hardiment jetées sur les murs par les fres- quistes florentins et lombards (on le voit, de reste, sur les deux panneaux d'Anvers et Berlin). Il n'est point surprenant qu'il se soit inspiré des procé- dés maies, parfois un peu brutaux, des naturalistesmilitants qu'il avait vus à l'oeuvre, Andréa del Castagno, Paolo Uccello, F. Lippi. Peu à peu, dans son imagination tranquille de Tourangeau, ces réminiscences énergiques ont fait place à des souvenirs plus doux et plus harmonieux, plus conformes à son propre tempérament, à ses habitudes d'enlumineur, et sans doute au goût de son entourage cosmopolite, seigneurial et bourgeois, ceux de Fra Angelico, de Pesellino et des élèves de Domenico Veneziano. Qu'on regarde, au Louvre, l'atmosphère lumineuse qui caresse et adoucit les traits, pourtant si nets, de la Vierge attribuée à Pier della Francesca puis à Baldovinelli, et l'on verra que la parenté de l'Homme au verre, sous certains rapports, se doit chercher du côté de Florence autant qu'à Bruges. Quoi qu'il en soit, ce portrait est un chef-d'oeuvre, et c'est là l'impor- tant. Qu'on déchiffre un jour, pour lui, sur un parchemin, le nom d'un père authentique autre que Fouquet, ce père, soit dans le milieu touran- geau et royal, soit dans l'entourage du roi Ptené ou du duc d'Orléans, sera un contemporain de Fouquet, son égal au moins, presque son supé- rieur, et nous serions ravis d'avoir à saluer une gloire de plus dans notre vieille France. Les noms, à vrai dire, ne manquent pas d'autres artistes complets, à la fois enlumineurs, sculpteurs, maîtres d'oeuvre, qui furent, dans ces milieux, célèbres aussi comme peintres et portraitistes, et qui lui purent disputer sa noble clientèle. Que ne donnerait-on pour posséder une oeuvre incontestable de Jacob de Liteinont, Colin d'Amiens, Jehan Poyer, Simon du Mans, Barthélémi Cler, Coppin Delft, Piètre André, tant d'autres dont la réputation oubliée gît encore, vague et insaisissable, dans quelques comptes de dépenses ou inventaires, quelques souvenirs de poètes ou chroniqueurs ! En attendant, et en tout cas, ce qui est bien français, français de Loire ou des environs, c'est le personnage représenté. Que de fois nous l'avions déjà rencontré auparavant, ce bonhomme glabre et bilieux, aux traits fermes et secs sous sa pâleur sénile, propriétairecossu de quelque bon vignoble, noble châtelain ou gros bourgeois, retiré sur ses terres après