Page:Revue de l’Orient, tome 5.djvu/277

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La première est formée de ce qu’on est convenu d’appeler la noblesse. Elle a le monopole de toutes les dignités civiles et militaires du royaume, et compte, par conséquent, parmi ses membres, tous les grands de la cour, les mandarins supérieurs, les chefs de l’armée, etc. etc. Elle jouit, à l’égard des castes inférieures, du droit d’impunité, sans cependant s’étayer, comme la caste des brames indiens, d’aucun caractère sacré qui puisse lui concilier le respect, dans le cas où la force viendrait à lui échapper. Cette caste, ayant tout à perdre et rien à gagner dans les commotions politiques, se tient fortement attachée au gouvernement, et réservant pour elle le développement de l’intelligence, elle tient les deux autres castes dans une ignorance salutaire à ses propres intérêts.

La marque distinctive à laquelle on reconnaît un noble est une espèce de bonnet carré en crin noir assez semblable à celui que portent chez nous les membres du barreau, et identique avec celui dont les mandarins chinois faisaient usage anciennement.

Dans les rues et les endroits publics, les nobles se cachent le visage avec un mouchoir ou avec un petit écran toutes les fois qu’ils rencontrent des individus appartenant aux castes inférieures. Si on leur barre le chemin, ils font immédiatement signe qu’on leur fasse place et, au besoin, ils frappent impitoyablement sur ceux qui leur opposent quelque résistance : malheur à la main plébéienne qui se lèverait contre un noble !

Les femmes de la première caste ne se montrent jamais en public le visage découvert : elles sortent ordinairement en chaise fermée, ou, si elles sortent à pied, elles se couvrent le visage avec le grand voile dont elles s’enveloppent le corps. Cette coutume paraît remonter aux temps les plus reculés de l’empire chinois ; car l’histoire nous apprend que, même devant leurs maris, les femmes ne se présentaient pas sans se couvrir le visage avec la manche de leur robe. Aujourd’hui cet usage est en grande partie tombé en désuétude : les femmes chinoises se contentent, quand elles sortent, d’enfoncer leur tête dans le parasol qu’elles tiennent à demi fermé dans ce but.

La seconde caste forme ce que nous pourrions appeler la bourgeoisie. Elle se compose généralement de propriétaires, de marchands, d’officiers subalternes et d’autres personnes étrangères aux travaux serviles, quelle que soit d’ailleurs leur richesse ou leur pauvreté. Tenant le milieu entre les deux extrémités du corps social, entre le pouvoir despotique et l’avilissement, les honneurs et le mépris, cette caste jouit peut-être de plus d’estime et de tranquillité que les deux autres. Ses privilèges, restreints dans des bornes raisonnables, se rapportent plutôt au cérémonial qu’à un intérêt matériel. Ainsi, un homme de la deuxième caste n’est pas obligé de se lever quand un noble passe, il peut entrer dans la maison de celui-ci lorsqu’une affaire quelconque l’y appelle ; il peut enfin être élevé à la première caste, s’il se distingue par un grand mérite personnel ou s’il rend quelque service important à l’État. C’est à cette classe qu’appartiennent la plupart des envoyés qui vont tous les ans à Pékin porter le tribut du roi de Corée à son suzerain l’empereur de Chine.