Page:Revue de l’Orient, tome 5.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont en toile et assez semblables aux bas chinois ; mais, ils ont cela de particulier, que la couture se trouve juste au-dessous de la plante des pieds, de manière à écorcher les pieds des personnes non habituées à ce genre de chaussure. Dans les premiers temps qu’il était en Corée, un missionnaire catholique a été incommodé par cette singulière sorte de bas, au point de ne pouvoir pas marcher pendant plusieurs jours. La forme que nous donnons fort mal à propos aux souliers chinois dans nos gravures est exactement celle des souliers coréens. La partie antérieure est terminée par une pointe relevée, fortifiée en dedans par un morceau de bois, de manière à ce que, dans l’occasion, ces souliers poissent servir d’armes défensives. Les gens de la classe noble, qui ne daignent pas descendre à ce genre de combat, ont la pointe de leurs souliers moins élevée et moins aiguë. Quelle que soit cependant la forme qu’on est convenu de leur donner, les souliers coréens ne sont pas en étoffe comme les souliers chinois, mais bien en cuir comme les nôtres, ou, pour mieux dire, comme les souliers indiens, avec lesquels ils ont plus de rapport. Le cuir dont on les fait est mal tanné, blanchâtre, mou et comme spongieux ; aussi s’imbibe-t-il d’eau très-facilement et ne garantirait aucunement de l’humidité, si, dans les temps pluvieux, les Coréens n’avaient le soin de porter des sabots échasses qui les élèvent d’un pied au-dessus du sol. Les femmes et les enfants portent des souliers en couleur, ou chamarrés de quelque ornement en couleurs vives. Tous les hommes portent les souliers ainsi que les habits entièrement blancs. Et en vérité, j’ignore s’il y a une autre nation au monde où l’on voie une aussi grande uniformité dans la couleur du costume. Les enfants et les femmes peuvent bien porter des habits rouges, bleus, verts, etc. ; mais les hommes sont tous habillés de blanc, quelle que soit la caste à laquelle ils appartiennent.

Pour se garantir du froid excessif de leurs hivers, les Coréens mettent habits sur habits sans songer à adopter une matière et une forme plus propres à concentrer la chaleur. Ils ne se servent pas de fourrures, soit parce qu’ils ne savent pas les préparer, soit parce qu’ils préfèrent les vendre aux Chinois, qui les leur achètent à de très-bons prix. Les tissus généralement en usage dans le pays sont en lin et en chanvre de différentes espèces : il y a peu de personnes qui portent du coton, encore moins de la soie.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, les Coréens ont mieux aimé courir les chances d’une guerre désastreuse que de se raser les cheveux à la manière tartaro-chinoise. À leurs yeux, une longue et épaisse chevelure est un des plus beaux ornements de l’homme aussi bien que de la femme ; et, sous ce rapport, la nature les a favorisés, car ils ont les cheveux plus fournis peut-être et plus noirs qu’aucun autre peuple d’Asie. Malheureusement le défaut de propreté en fait un foyer de vermine abondante, qui des cheveux passe aux habits et s’y multiplie dans une progression effrayante. Pauvre ou riche, le Coréen n’est jamais exempt de cette dégoûtante compagnie, dont, du reste, il ne cherche presque pas à se débarrasser : il se contente de passer ses habits sur le feu tous les deux ou trois jours pour faire