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dire, en général, que cette langue est assez aisée, fort riche et fort harmonieuse, mais difficile à prononcer. Si on demande d’où elle est dérivée, je répondrai qu’il n’y a que la seule langue du Japon avec laquelle elle ait du rapport. Cependant on trouve quantité de mots qui paroissent venir de plusieurs autres langues, en changeant seulement ou la signification, ou la terminaison.

Il semble que les Japonnois, qui, selon la commune opinion, sont originaires de la Chine, d’où leurs Ancêtres ont été bannis, auroient deu au moins en conserver la langue ; mais les meilleurs Auteurs veulent nous persuader qu’un grand nombre de Chinois ayant été véritablement réléguez par leurs compatriotes dans les isles du Japon, qui étoient alors inhabitées, en punition de quelque soulèvement contre leur Prince, ils conceurent tant de haine contre leur Païs, qu’ils résolurent non seulement de prendre des coutumes et de se gouverner par des lois toutes contraires à celles des Peuples dont ils sortoient, mais même d’oublier leur langue naturelle pour en inventer une qui ne pût être entendue des Chinois, qu’ils vouloient oublier, et avec lesquels ils ne vouloient plus avoir aucun commerce ni liaison. De quelque raison qu’on puisse appuyer cette conjecture, on a peine à comprendre que tout un Peuple puisse venir à bout d’une telle entreprise et qu’un si grand changement se soit pu faire, sans qu’il en paroisse au moins quelque trace dans les mots, ou dans le tour de la phrase : car il n’y a pas dans le monde deux langues plus opposées que l’est celle de la Chine avec celle du Japon. Quoi qu’il en soit, les Formosans ont apporté avec eux la langue du Japon, ils l’ont conservée sans aucune altération, au lieu que les Japonnois la changent tous les jours, retranchent des mots et en adoptent de nouveaux, ce qui fait la grande diversité qui se trouve à présent entre le langage du, Japon et celui de Formosa.

Les Japonnois écrivoient, autrefois, en fort petits caractères, semblables à ceux des Chinois ; mais depuis qu’ils ont eu commerce avec les Formosans, ils ont imité leur manière d’écrire, comme étant beaucoup plus belle et plus aisée, en sorte qu’on voit à présent très peu de personnes au Japon qui se servent des caractères chinois.

Cette manière d’écrire des Formosans leur fut enseignée par leur Profète Psalmanaazaar, qui, en leur donnant de nouvelles lois, leur donna en même temps de nouveaux caractères, qu’ils receurent