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Cette conception, je le répète, n’est pas spéciale au Bouddhisme ; elle est générale dans les religions et les philosophies de l’Inde, qui admettent, à peu près toutes, ces quatre points fondamentaux : éternité de l’âme universelle, éternité de la matière, inertie de l’âme qui ne devient capable d’activité que lorsqu’elle est jointe à la matière localisée, production ipso facto de l’activité dès que cette union de l’âme et du corps se trouve réalisée. Le bien et le mal, effets inévitables de l’activité, doivent être détruits par la récompense où la punition qu’ils exigent, ce qui n’est possible que pendant une longue série d’existences sous des formes variées. Il peut être intéressant de montrer, par quelques citations, comment les Indiens expriment leur sentiment à cet égard.

Un poème civaïste tamoul fait dire à l’un de ses héros : « Je n’ai pas rendu les honneurs convenables à mes hôtes et aux sages habiles dans la lecture des vieux livres ; pourtant, excepté la double activité, y a-t-il quelque chose qui m’appartienne ? Ni la maison que j’habite, ni l’épouse que j’ai choisie, ni mes enfants, ni cette forme corporelle ne me suivront. Mort, je serai plongé au fond du monde inférieur et j’y souffrirai de la pauvreté, dans une vie postérieure. »

Un autre poème, traduit du canara et relatif au fondateur d’une secte çivaïste hétérodoxe, s’exprime en ces termes : « Celui qui, après avoir erré de corps en corps et être enfin arrivé à la forme humaine si difficile à obtenir, n’en profite pas pour pratiquer les vertus les plus pénibles afin d’obtenir l’état unique où l’on est délivré de la renaissance ; celui-là, disent les sages, fait comme s’il jetait dans un trou du sol le lait qui devrait être recueilli dans un vase d’or. »