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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

§ 10.

M. Russell cherche ensuite à établir que la notion de distance ne saurait exister sans la ligne droite.

Ici nous devons faire une distinction.

Nous voulons comparer deux distances ; s’agit-il seulement de savoir si la première distance est égale à la seconde, plus grande ou plus petite ? Alors la distance est regardée comme une grandeur non mesurable (la quantity de M. Russell, page 176, § 178).

Dans ce cas la ligne droite n’a pas à intervenir ; rappelons qu’on a construit une « géométrie du compas » où l’on ne se sert pas de la règle, ou l’on parle de cercles et jamais de droites.

Il est donc inexact de dire que la sphère (ou même la sphère de rayon donné) ne peut être définie avant la ligne droite. Seulement le rayon ne pourra pas être donné en mètres et en centimètres ; il sera donné comme la distance de deux points donnés.

S’agit-il au contraire de reconnaître si la première distance est égale à deux fois ou trois fois la seconde ?

La distance est alors regardée comme une grandeur mesurable (la magnitude de M. Russell). La considération de la ligne droite devient alors indispensable ; et en effet, il faut savoir discerner si une distance est la somme de deux autres, et en particulier si la distance est la somme des distances et . La condition pour cela, c’est que le point soit sur la droite .

L’Empirisme et la Géométrie.
§ 11.

Nous avons passé en revue les axiomes que M. Russell considère comme des conditions indispensables de l’expérience. Pour la plupart d’entre eux, il ne l’a nullement établi ; en employant dans ses énoncés des termes vagues et mal définis, en rendant les contours aussi nous que possible, il arrive à accumuler assez de brouillard pour empêcher de discerner tel axiome qui s’impose véritablement à nous de tel autre axiome plus précis qu’il veut nous imposer, Mais il n’a pu faire illusion qu’à ceux qui n’ont pas voulu prendre la peine de dissiper ce brouillard.

Mais si ces axiomes ne sont pas des conditions indispensables de l’expérience, devons-nous croire pour cela qu’ils sont empiriques ?