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L. BRUNSCHVICG – la pensée mathématique

proposition, connue déjà de Nicolas Oresme au xiv e siècle[1], qu’aux environs de leur maximum les variations des grandeurs sont insensibles : Circa maximam vero utrinque circumstantes decrementa habent initio insensibilia (Th. V, Cor. II).

On comprend que la hardiesse de Kepler à s’autoriser des résultats obtenus par Archimède pour rompre avec la philosophie classique de la science ait déconcerté les géomètres formés à l’école des anciens. Anderson, qui fut l’éditeur d’un ouvrage posthume de Viète, répondit au Supplementum ad Archimedem par les Vindiciæ Archimedis (1616). Il n’admet pas que Kepler prenne pour point de départ ce qu’Archimède a mis tout son génie à établir au terme d’une démonstration laborieuse. On peut conclure l’équivalence d’une courbe comme la circonférence avec une droite de longueur déterminée ; mais on ne peut pas identifier dès le début d’une recherche un cercle et une infinité de triangles sans contredire aux lois de l’intelligence : Quæ mens capiat hujusmodi Metamorphoses ? (p. 3).

Il convient d’ajouter que cette fin de non recevoir semblait confirmée par les approximations, les aveux de lacunes dans la démonstration, que Kepler multipliait au cours de sa Nova stereometria. C’est pourtant à la Nova stereometria que se rattache le traité systématique où un savant tout nourri de l’esprit de Galilée prétend, non plus ajouter aux résultats connus d’Archimède, mais promouvoir la géométrie elle-même : Geometria indivisibilibus continuorum nova quadam ratione promota (1635).

Il y a une grande difficulté à suivre les détails techniques d’un ouvrage où l’auteur posait des problèmes nouveaux et les étudiait à l’aide d’une méthode nouvelle, créant un langage sans y joindre d’ailleurs de symboles appropriés. « Si l’on donnait des prix d’obscurité, dit Maximilien Marie[2], Cavalieri aurait dû sans conteste emporter le premier. » Pour ce qui concerne du moins la pensée fondamentale de la géométrie des indivisibles, dont nous avons à nous occuper ici, les quelques explications qui vont suivre permettent d’en appeler de la sévérité de ce jugement.

Les méditations de Cavalieri ont leur origine dans une réflexion théorique sur la genèse des figures géométriques. Du point de vue où l’on se place d’ordinaire, le cylindre est engendré par un paral-.

  1. Voir Cantor, Vorlesungen, 2e édit., 1900, p. 131.
  2. Histoire des Sciences mathématiques, t. IV, 1884, p. 90. Cf. Cantor, Bibliothèque du Congrès de 1900, op. cit., p. 14.